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Monday, November 17, 2014

Sagan 54

Sans Sagan, la vie serait mortelle d'ennui - Bernard Franck

Il ne m'aura fallu que deux jours pour lire le livre d'Anne Berest consacré à François Sagan - et plus particulièrement les mois qui précédèrent et suivirent la parution de son premier roman, Bonjour Tristesse, quand Françoise s'appelait encore Quoirez.

La jeune fille, âgée d'à peine 18 ans (donc mineure à l'époque en 1954, la majorité étant fixée à 21 ans), a comme meilleure amie Florence Malraux (la fille d'André), et adore ses parents, Pierre et Marie qui lui offrent une vie très confortable, Boulevard Malesherbes dans le 8ème arrondissement parisien. La jeune fille est la dernière d'une fratrie de trois ans, choyée par ses parents et frère et soeur. Elle a écrit son roman en six semaines au côté de son père qu'elle adore.

Anne Berest commence à travailler à son troisième roman (après La fille de son père et les Patriarches) lorsque Denis Westhoff, le fils de Françoise, lui demande d'écrire ce livre. Sagan est décédée il y a presque dix ans et son roman Bonjour Tristesse a été publié il y a près de soixante de 60 ans, un double anniversaire à marquer.  Mais l'ouvrage ne sera pas totalement biographique, puisqu'il repose en partie sur l'imagination de la romancière, qui sur la base de nombreux témoignages (dont celui de Florence, de Denis et d'amis) va tenter de replacer Françoise à cette période charnière de sa vie : le jour où naît Françoise Sagan. 

"Voici pour la première fois de sa vie son nom écrit sur la couverture d'un livre - couverture si souvent rêvée, imaginée, qui soudain est là, sous nos yeux, elle existe. Je crois qu'il n'est pas un écrivain qui n'ai ressenti, à cette vision, un violent sentiment, mélange de dégoût et de fascination, car si la couverture n'est qu'une image, elle est néanmoins une image qui a la puissance d'un acte. C'est une image qui agit pour dire : "Celui qui a écrit est désormais un écrivain".  Avant, il était écrivant, maintenant, il est écrivain. Bon écrivain ou mauvais écrivain, ce n'est pas la question. Qu'importe. La couverture d'un premier roman est un sacrement, elle est la réalité visible d'une désignation mystérieuse, l'appartenance à la communauté dont l'auteur a rêvé toute la vie, souvent depuis l'enfance."  

Anne Berest traverse elle-même une période charnière de sa vie : son conjoint l'a quitté, déprimée, elle a quitté le domicile conjugal. Elle accepte la proposition de Denis. En effet, dès qu'elle prononce le nom de Sagan, les visages s'illuminent. Elle va donc se plonger corps et âme dans la vie de la jeune romancière : d'une part, lire tous les romans, essais ou documentaires qui lui ont été consacrés et  d'autre part, rencontrer ceux qui l'ont croisée. Le journal de Françoise est aussi le journal intime d'Anne. Ce n'est pas donc une biographie à proprement parler, mais le roman est passionnant. Anne Berest nous ramène en 1954, quelques années après la guerre, deux stars sont nées : Sagan et Bardot, deux jeunes femmes qui vont choquer par leur insolence, leur mode de vie, deux jeunes femmes issues de la bourgeoisie, avec des parents néanmoins dotés d'une légèreté qui vont guider leurs pas. L'année précédente,  une voyante a prédit à la jeune Françoise : "vous écrirez un livre qui passera les océans", la jeune femme va alors déposer trois manuscrits dans trois maisons d'édition différentes. Anne Berest imagine l'attente, l'angoisse et puis les premiers mois et le succès qui ne quittera plus la romancière.


Les quelques touches de témoignages personnels sur les parents de Françoise sont vraiment émouvantes, étonnantes et drôles, ainsi lorsque son père, invité avec son épouse à un diner chez des amis, se trompe d'étage et entre dans l'appartement du dessous " (...) en criant "J'arrive au galop, au galop, au galop, au galop !" en imitant un cavalier sur son cheval. Mais arrivé au bout du couloir, devant les figures stupéfaites d'un couple en pyjama, il a fait le chemin inverse en criant encore plus fort "Et je repars au galop, au galop, au galop !"".

Anne Berest va vivre ces quelques mois avec la jeune effrontée, Françoise, qui va l'aider à faire le deuil d'une vie pour s'ouvrir à une autre. J'ai appris beaucoup de choses sur Françoise Sagan, dont je me dois encore de découvrir l’œuvre, en particulier ce Bonjour Tristesse (titre emprunté à Paul Eluard). 

J'ai hâte de retrouver Anne Berest pour son prochain roman, j'apprécie la personne que j'ai découverte ici. J'ai par ailleurs beaucoup aimé son premier roman (beaucoup moins le second). 

Françoise, je le crois, est bien venue l'accompagner dans l'écriture de ce livre. Comme un ange elle s'est posée délicatement sur son épaule et l'a rassurée : c'est bien en écrivant, qu'on devient écrivain. 

Monday, September 2, 2013

Chrysis

C'est amusant de redécouvrir le Montmartre des années folles, à travers les yeux de Chrysis, jeune peintre française et Bogey Lambert, un cowboy américain sortie de la Légion étrangère. C'est par hasard que l'auteur américain, Jim Fergus (auteur de Mille femmes blanches, Marie-Blanche) croise la route de Gabrielle Chrysis Jungbluth. En achetant en Suisse un tableau de ce peintre tombée dans l'oubli, le romancier américain va partir à la découverte de l'histoire extraordinaire de cette jeune artiste française et de son histoire d'amour avec un véritable cowboy américain. 

Jim Fergus a eu de la chance que son épouse repère un tableau signé Chrysis Jungbluth chez un antiquaire suisse. C'est le départ d'une biographie passionnante du "Tout Paris", celui des Années Folles où tout est permis et où l'art trouve une caisse de résonance formidable. En lisant cette biographie romancée, j'ai eu souvent des images en tête et il serait très intéressant de l'adapter au cinéma, même si certaines scènes seraient réservées à un public averti. 

Car la jeune femme, pour l'époque, a décidé d'aller explorer le Montparnasse des boites de nuit, des bordels, et pour mieux le comprendre, elle a même participé à des soirées échangistes d'où son tableau le plus célèbre "Orgie". Gabrielle n'est pas née pauvre, mais dans une famille bourgeoise en province. Son père, militaire de carrière, est peintre amateur. C'est auprès de lui qu'elle apprivoise cet art et c'est avec son consentement qu'elle intègre en 1925 l'Atelier de peinture des élèves femmes de l'école des Beaux-Arts, dirigé à l'époque par Jacques F.Humbert, le professeur de Braque. Cet homme âgé, exigeant, accepte de former des femmes à la peinture, chose rare à l'époque. Il va très vite déceler chez la jeune femme de grandes prédispositions.




A cette époque, rappelons-nous, lorsque Chrysis croise les élèves hommes, ceux-ci la prennent souvent pour un modèle et non une élève. Esprit libre, passionnée, curieuse et très douée, la jeune Gabrielle, devenue Chrysis va vite révéler un talent inouï et bousculer les codes en vigueur. Curieuse, elle va découvrir le Paris souterrain, et devient une grande figure de la vie nocturne, en mêlant plaisir et travail. 

Sa rencontre avec un cowboy du Colorado, au nom extravagant de Bogey Lambert, sera un tournant dans sa vie. Jim Fergus raconte en parallèle le parcours exceptionnel et extraordinaire de ce jeune homme, né dans un ranch au Colorado, qui sous prétexte d'avoir un nom français, décide de s'engager dans la Légion Étrangère. Fait extrêmement rare, il réussit à emmener son cheval Crazy Horse avec lui.  Il deviendra en fait courrier, parcourant les tranchées et sera gravement blessé. Son chemin le mènera en Écosse, à Paris, et à Montparnasse.

Je ne veux pas raconter toute l'histoire, sachez que l'auteur a écrit ce roman dans l'ordre chronologique. Ce choix linéaire m'a un peu surpris car aujourd'hui les romanciers fonctionnent beaucoup au "flashback" mais l'histoire est passionnante. Aussi, même si je ne suis pas tombée amoureuse du style de l'auteur, un peu trop classique il demeure une histoire d'amour magnifique dans un Paris qu'il m'aurait tant donné de connaître ! Quelles vies passionnantes ces deux jeunes gens ont-ils eu !

Mon avis :