Tuesday, June 30, 2015

Le fils

Se lancer dans la lecture du roman de Philipp Meyer fut un drôle de défi - en premier lieu : la taille et le poids du livre (pas loin d'un kilo), de quoi impressionner et m'embêter, moi qui ai l'habitude de transporter ma lecture partout où je vais.  Mais comme chaque grand roman, la magie a fait effet et bientôt je ne pouvais plus le reposer ;-)

Roman polyphonique, Philipp Meyer a tenté l'impossible : raconter l'histoire d'un Etat : le Texas à travers ses plus illustres habitants : les indiens Apaches puis les Comanches, les Mexicains (Espagnols auparavant) et enfin les Anglos (les Américains) à travers une seule famille, les McCullough.

Le patriarche, surnommé le Colonel, Eli McCullough est né en 1836 et fut enlevé par les indiens Comanches à l'âge de onze ou douze ans et libéré après plusieurs années. Sa voix est incontestablement la plus forte et la plus passionnante. Le jeune garçon, devenu Tiehteti adopte totalement l'art de vivre des indiens Kotsotekas à une époque où les tribus indiennes régnaient encore sur plus de la moitié du continent américain. Ces indiens chassaient, le bison toute l'année contrairement à leurs cousins des plaines et étaient d'incroyables guerriers. Les enlèvements étaient pratiqués depuis la nuit des temps, ainsi la plupart des indiens comptaient des ancêtres mexicains, d'autres tribus indiennes (Delaware, Kiowa, Apaches), français ou anglos, mais également des hommes noirs. Tous réduits à l'esclavage. Certains, comme Eli McCullough survivaient et intégraient la tribu.

"Toute la tribu avait des captifs pour ascendants (blancs, mexicains, nègres) c'était la tradition comanche, le moyen d'entretenir la vigueur du sang" (page 306)



Le Colonel finira par retourner à la "vie civile" et aura plusieurs fils, dont Peter qui témoigne ici à époque charnière de la création de l'Etat du Texas, en 1915. Le fils n'a rien hérité de son illustre père, qu'il déteste profondément. Né en 1870, Peter ne connaît que le ranch et l'élevage. A l'époque où les premiers puits de pétrole sont découverts au Texas, et où le prix du baril devient un enjeu économique important (industrialisation, commercialisation des voitures) le Colonel souhaite s'engouffrer dans le marché en rachetant le maximum de terres, et comme ses congénères américains, ils visent toutes celles appartenant à des familles mexicaines (pour la plupart implantées là bien avant eux). Une véritable guerre civile s'empare du Texas, menée de front par les Rangers, ces mercenaires dont le Colonel a fait partie un temps. Des hommes sans foi ni loi. Ce sont leurs plus proches voisins, les Garcia, qui seront les victimes d'un odieux massacre dont Peter n'aura de cesse de culpabiliser. Lorsque des années plus tard, la seule survivante de la tuerie, viendra trouver Peter - celui-ci, qui s'exprime à travers son journal intime, viendra à remettre en cause toute sa vie et juger sévèrement la société texane.

J.A McCullough, Jeanne-Anne est la troisième voix du roman. Née en 1926, l'unique fille de Peter tient plus de son grand-père que de son père - elle ne jure que par le ranch, la terre, les puits de pétrole. La jeune femme montre une force de caractère impressionnante. Envoyée dans une école privée de l'Est, la jeune femme n'a qu'une envie : retourner au ranch monter ses chevaux et trouver du pétrole. Mais cette ambition démesurée a un coût : la solitude. Les McCullough, puissants et riches, ont perdu de vue toute valeur familiale.  Ses enfants ont grandi pourri gâtés et préfèrent la vie en ville à celle du ranch, dont J.A est dorénavant la seule habitante, âgée et esseulée.  Suite à un accident, J.A voit sa vie défiler devant elle et nous confie sa vie mais également la main mise de l'or noir sur le Texas, la puissance de ces nouveaux riches (on ne peut pas ne pas penser aux fameux Ewing...) et leur volonté d'oublier le passé et surtout leurs agissements plus que discutables.

J'ai vraiment adoré ce roman même si, comme beaucoup je crois, j'ai trouvé que la partie la plus intéressante est celle du Colonel lorsqu'il est kidnappé par les Comanches. Son frère Martin, enlevé avec lui, ne supportera ce sort injuste (et la mort de leur mère et leur soeur). Le Colonel, au contraire, décide de devenir indien et sa ténacité finira par impressionner les Comanches. Ses amis Toshaway (son fils Loup Gras), Escuté, Nuukaru, Pizon vont l'accompagner et lui enseigner la chasse et l'art de faire la guerre. Une période passionnante !  Peter Meyer a fait un travail d'anthropologue extraordinaire puisqu'il détaille avec soin (d'où le nombre de pages du livre..) la vie de ces indiens, leur culture, la chasse, les relations sociales, les mariages, tout y est ! La vie des "otages", esclaves mais aussi les croyances des Comanches (ainsi ils refusent de manger du poisson). Une véritable étude sociologique et historique qui peut, je dois le dire, dérouter certains.

Ainsi, vous voilà membre de la tribu : vous apprendrez à fabriquer des flèches, à tanner la peau de bison, à tuer un animal, à préparer des concoctions, etc.Passionnée par les tribus indiennes depuis mon enfance, ayant eu la chance de vivre quelque temps au Montana où j'ai connu des Blackfeet et des Grosventre (et depuis un ami indien Paiute),  je reste toujours admirative de ces tribus. Aussi il est évident que pour moi ces passages restent mes souvenirs préférés du roman.

"Entre deux passages du racloir, je saupoudrais la peau de cendre de bois pour que la soude ramollisse la graisse ; pendant ce temps, on m'envoyait encore chercher de l'eau ou du bois, ou bien j'écorchais, désossais et dépeçais un chevreuil que l'un des garçons ou des hommes de la tribu avait rapporté. La seule chose que je ne faisais pas, c'était réparer ou confectionner les vêtements, encore que les femmes me l'auraient appris si elles avaient pu - elles avaient toujours des mois de retard sur les besoins des hommes : une nouvelle paire de mocassins ou de jambières (compter une peau de bête), une couverture en peau d'ours (deux peaux), une couverture en peau de loup (quatre peaux). Les peaux devaient être découpées de façon à ce que la forme de l'animal épousât celle de celui qui allait la porter, et comme il fallait une journée entière pour préparer une seule peau de chevreuil ou de loup, on n'avait pas de droit à l'erreur ". (p.129)

J'ai beaucoup appris sur les tribus Comanches (connaissant mieux les tribus des Plaines et les Cherokee), leur langue, leurs croyances, leur mode de vie mais aussi leur disparition. Comme j'ai énormément appris sur l'histoire du Texas, j'ignorais cette période où les Anglos ont ainsi chassé les Mexicains propriétaires de ranches.

Bref, une fresque impressionnante, parfois violente, réaliste, épique, fabuleuse, magnifique. Un livre qu'il faut absolument lire - un regard sans nostalgie, sans vernis, sans tentative d'édulcorer le passé, sans remords, ni regrets.  Ici toutes les civilisations en prennent pour leur grade, Philip Meyer livre ici une oeuvre unique sur un Etat magnifique (j'ai eu la chance de le visiter à plusieurs reprises), fier, indépendant comme ses habitants.

La preuve ? J'ai trimballé ce livre dans un sac dédié car j'étais incapable d'attendre le soir pour m'y replonger ! Il est évident qu'il méritait d'être finaliste du Prix Pulitzer et j'imagine la fierté de la nation Comanche de voir leurs ancêtres ainsi célébrés. Vous l'aurez compris, un gros coup de coeur pour moi ! 



Editions Albin Michel, collection Terres d'Amérique, traduction Sarah Gurcel, 671 pages.

Saturday, June 27, 2015

Ils me font de l'oeil...


Copyright Tessa

La parution du dernier numéro de LIRE avant l'été, celle du magazine L’ŒIL, les réseaux sociaux, les sorties en librairie ... Vous saisissez ? Vous voilà soudainement l'objet d'attention de la part de ces objets étranges que sont les livres. Ils sont partout et ne cessent de venir croiser votre route. Préméditation ? Envoûtement ? Complot ? Ils surgissent ci et là, vous offrent leur plus beau visage et vous invitent à venir les regarder de plus près.

Voici une sélection de livres qui me font envie ....Serais-je assez forte pour résister à leur appel ? Car ils sont pires que des sirènes  ! Si vous aussi vous avez des livres qui vous poursuivent ... dénoncez-les dans les commentaires ;-)


Quand je vous parlais de séduction.. Comment résister à cette couverture ? J'ai fait un tour rapide (sans craquer) en librairie il y a une semaine et je tombe sur ce visage - j'ai pensé immédiatement au héros d'Elephant, le film de Gus Van Sant (un de mes réalisateurs fétiches).

Puis j'ai lu la quatrième de couverture :

Vermont, 1987. Jude et Teddy trompent l'ennui en fumant de l'herbe, tous deux rêvant d'une vie plus palpitante. Jusqu'au jour où un terrible drame les sépare. A 16 ans, Jude perd son meilleur ami. Il part alors rejoindre son père à New York et découvre cette ville immense et surtout le straight edge, un courant punk radical. Flirtant avec Gus Van Sant (je le savais !) et Larry Clark, Eleanor Henderson brosse un portrait universel de l'adolescence éperdue. Un premier roman magistral, et bouleversant. 
Eleanor Henderson, Alphabet City, 10/18, 500p., 9,10€




Un recueil de nouvelles qui me fait du gringue ? Quelle surprise!  Pas étonnant me connaissant. Encore un américain, de 31 ans, David James Poissant, qui selon le magazine Lire vous frappe de plein fouet avec ses quinze histoires dans Le paradis des animaux

"David James Poissant surprend et émeut à chaque coup. Ses nouvelles sont des uppercuts qui vous laissent K.O. Epaté par tant de maîtrise dans l'étude de l'âme humaine et de ses démons" nous dit Alexandre Fillon. C'est marrant, ça me fait penser à un certain jeune auteur canadien ;-)

Je me tâte cependant pour me le procurer en anglais.
David James Poissant, Le paradis des animaux - Albin Michel, 352p. 25€



Le magazine Lire a réussi à me faire craquer pour le récit de Cédric Gras, écrivain géographe, arpenteur, baroudeur érudit qui voue une passion à Vladivostok.

Le jeune homme décide de relier deux villes, Yakoutsk et Vladivostok et parcourir ainsi l'Extrême-Orient russe, de l'été indien au froid polaire. Stock nous dit qu'"il dialogue avec les fantômes de l'épopée tsariste, trinque avec les derniers du progrès soviétique, et raconte la Russie pacifique contemporaine."
Toujours ce même Alexandre Fillon (un signe?) nous dit qu'il "grimpe à bord de camions, marche, déambule (...), prend un avion, fait du stop. Il cherche à gagner le fleuve Amour, se retrouve en rade à Nikolaïvesk où il voit les plus beaux crépuscules de sa vie".

Alléchant, non ? Loin du genre de livres que j'ai l'habitude de lire, mais quelle épopée ;-) 

Cédric Gras, L'Hiver aux trousses - Stock, 216 p. 19,50€



Je suis une grande fan de Christopher Moore, un génie américain dont je ne cesse de prêter les livres ...

Donc quand je vois qu'il s'attaque au Paris des Impressionnistes avec son Sacré bleu  je ne résiste pas ! Toulouse-Lautrec, Van Gogh ... Moore nous embarque encore dans une épopée délirante, avec toujours une touche de fantastique et de la gaieté, de la couleur !! Je n'en dis pas plus, car le nom de l'auteur a suffit de me convaincre ;-)
1890. Vincent Van Gogh est assassiné à Auvers-sur-Oise par un mystérieux dealer de bleu, « l’Homme-aux-Couleurs ». Toulouse-Lautrec mène l’enquête..  Il coûte cher le loustic, je vais devoir supplier une bonne âme !


Christopher Moore, Sacré bleu - Les Equateurs, 480p. 23,50€


C'est dans le magazine d'art, l'Oeil, Spécial Eté, que j'ai découvert leur sélection de livres de l'été et cet étonnant polar qui commence par le vol du fameux carré rouge de Malevitch chez un collectionneur parisien. Son récit va nous emmener tout à tour dans le Moscou de Staline, Londres et Berlin.
D'ailleurs, entre la période, les pays qui m'attirent déjà beaucoup, je craque aussi car au centre de ce roman noir on retrouve l'oeuvre et le destin tragique de ce peintre immense (j'adore!) Kazimir Malevitch, qui va décéder à Leningrad en Union Soviétique en 1935. Bref, des voleurs, des espions, des meurtres, la Russie des années 30 et un artiste peintre, je saute dessus !

Le livre est publié chez Cohen&Cohen, dans la collection ArtNoir. J'avoue que je découvre cette maison d'éditions qui publie ici "la première et la seule collection au monde entièrement consacrée aux thrillers se déroulant dans le monde de l’art : meurtres de peintres, aventures autour d’un tableau disparu, faussaires assassins, tous les thèmes en rapport avec le microcosme artistique sont adéquats" dixit Adam Biro qui n'est autre que l'auteur et l'éditeur de ce roman ! 
Adam Biro, Cadavres noirs sur fond rouge - Cohen&Cohen, 168 p. 16€



C'est le deuxième opus, à paraître, qui me fait de l'oeil. Mais comme le personnage est le même, j'avais demandé le premier à mon anniversaire, malheureusement je n'ai pas été entendue. Je ne peux pas ne pas en parler car j'adore le journalisme d'investigation (ne vous ai-je pas parlé d'une de mes films préférés avec Crowe ? Ah si, dans mon autre blog). Bref, ce thriller politico-historique qui se déroule entre Glasgow et Belfast irait bien dans mon programme de la rentrée, non ?

Gerry Conway, responsable de la rubrique politique au Tribune on Sunday de Glasgow, désespère de trouver un sujet digne de ce nom, en cette période de vacances parlementaires, quand il reçoit l’appel d’un correspondant anonyme, détenteur de révélations sur Peter Lyons, jeune politicien flamboyant promis au poste de Premier ministre. L’inconnu lui remet une photographie où l’on aperçoit Lyons, jeune, au milieu d’un groupe de paramilitaires unionistes en armes : les Nouveaux Covenantaires. Très vite, Conway comprend qu’il tient là plus qu’un scoop : un séisme politique. 


Liam McIlvanney, Les couleurs de la ville - Métailié Noir, 304 p., 21€ 


Voilà ! Vous aurez remarqué que certains sont déjà sortis il y a longtemps, d'autres sous d'autres formats, mais loin de la rentrée littéraire, juin chez moi signifie transat, hamac, parc, plénitude et lecture ! Certains vont probablement trouvés le chemin de la maison mais je ne dirais pas non à des partenariats pour certains ! Je plaisante (quoique ....)  En attendant, deux feront certainement partie de ma sélection automnale ou de ma liste au Père Noël ;-)

Et vous, des livres qui viennent hanter vos nuits ? Avec leurs petits yeux perçants ??! 

Friday, June 26, 2015

Terminus Belz

Il s'appelle Marko Voronine. Il est en danger. La mafia le poursuit. Il croit trouver refuge sur l'île de Belz, une petite ile bretonne au large de Lorient coupée de tout sauf du vent. Mais quand le jeune homme débarque du ferry, l'accueil est plutôt rude. Le métier du grand large en a pris un coup, l'embauche est rare sur les chalutiers et les marins rechignent à céder la place à un étranger.  Et puis de curieuses histoires agitent en secret ce port de carte postale que les locaux appellent l'île des fous (Enez Ar Droc'h). Les hommes d'ici redoutent par dessus-tout les signes de l'Ankou, l'ange de la mort, et pour Marko, les vieilles légendes peuvent se montrer aussi redoutables que les flingues de quelques tueurs roumains. 

"Le soir tomba sur Belz. L'air était doux. Le printemps approchait. Assis sur le muret de pierre jaune qui bornait la maison, Marko contemplait le soleil rougeoyant qui tombait dans la mer, embrasant le ciel dans son sillage de mille nuances de roses, de pourpres et de grenat." (p. 270)

Etrange polar/huit-clos/roman aux légendes bretonnes que ce livre. C'est dans le cadre du Prix des Lecteurs Nantais que j'ai découvert le premier roman d'Emmanuel Grand, Terminus Belz.

Marko, jeune immigrant illégal ukrainien, se réfugie sur l'île bretonne de Belz pour échapper à ses passeurs roumains. En effet, à peine arrivés en France, lui et ses trois compagnons de voyage (Anatoli,Vassili et Irina) ont été attaqués par leurs passeurs qui ont abusé sexuellement d'Irina. Les quatre ukrainiens décident de se séparer et Marko décide de se faire oublier sur la petite île de Belz.

Mais à peine arrivé sur l'île, Marko doit faire face aux rumeurs et à la jalousie des marins sans emploi. Le jeune homme, pas marin pour un sou, est pris en charge par Joël Caradec, qui l'embauche et l'installe chez lui. L'homme, bourru devine rapidement que Marko n'est ni grec, ni marin mais il semble faire confiance au jeune homme. Celui-ci tente d'éviter ces marins en colère et se réfugie à la librairie où il fait la connaissance de Venel, un libraire passionnée par les légendes locales et Marianne, la jeune institutrice qui lui fait bientôt tourner la tête.

"Je m'acharnais à lui faire cracher toute l'eau qu'il avait dans les poumons. Le bateau remuait comme une coquille de noix, quand soudain, j'ai vu une ombre dans le clair de lune. J'étais à genoux, épuisé. Elle avait surgi par la proue et se dirigeait vers moi d'un pas lourd. Elle était immense. Je n'ai pas mis longtemps à comprendre. Je n'avais pas besoin qu'on fasse les présentations. J'ai vu l'Ankou dans mes rêves, je l'avais enterré plusieurs fois au fond de ma mémoire et le voilà qui surgissait devant moi. J'étais paralysé. Je serrais Jean contre moi, inconscient.  Alors l'Ankou a allongé le bras et saisi le ciré de mon frère par la manche." (p.216)

Mais un jour, Pierrick Jugand, un marin au fort caractère qui ne supportait pas la présence de Marko sur l'île est retrouvé assassiné. Marko devient de fait un suspect idéal - la police est alertée et le jeune Ukrainien doit se cacher. Alors qu'il se réfugie dans les bois, Marko croit voir apparaitre une forme étrange et panique. Il tente d'en parler à Papou, un jeune homme qui aide à la décharge des chalutiers mais refuse d'embarquer depuis la mort de son jeune frère marin. Papou lui parle alors de l'Ankou... L'ange de la mort qui règne sur l'ile. La police se rapproche et les passeurs ont envoyé leur homme de main, Dragos à la recherche des Ukrainiens. Peu à peu le piège se referme autour de Marko.



Un huit-clos haletant et inquiétant et puis vraiment pour moi, une atmosphère très étrange où les légendes bretonnes font vaciller des hommes pourtant habitués aux tempêtes et aux vagues assassines. Un thriller avec ce terrible Dragos que rien ne semble pouvoir arrêter et qui se rapproche peu à peu du héros.

Je n'avais jamais lu un polar où les légendes bretonnes (l'ange de la mort, le fameux Ankou) croisent la mafia roumaine, une histoire d'amour et la vie difficile des pêcheurs bretons.

Honnêtement, j'avais un a priori négatif en commençant ce roman, en me demandant dans quoi je m'aventurais mais le rythme est là, soutenu, on passe de l'île au 4X4 de Dragos et le suspense s'installe. Le rythme s'accélère, Marko enchaine les sorties en mer, les vomissements et découvre peu à peu l'île au côté de l'Abbé ou de Papou et puis Venel, un personnage très attachant qui va venir l'aider à mieux comprendre l'histoire de l'île et de ses légendes.

Et ce Joël Caradec qui a tant souffert et qui s'occupe de Marko comme d'un père envers son fils, on y croit tous ! Quand le Jugand décède, l'équilibre déjà fragile de Marko explose mais Marianne, Papou et Venel répondent présent. Les personnages sont tous attachants et très bien décrits, avec la profondeur et la justesse nécessaires.

Ma plus grosse inquiétude fut lorsque Marko puis d'autres personnages croisent le fameux Ankou, j'ai vraiment cru que j'allais décrocher mais non, le malin a sa place sur cette île de fous. Tout s'emboite parfaitement et on ne s'ennuie pas une seconde.

Même si j'ai trouvé parfois quelques longueurs ou erreurs de "jeunesse", j'ai été agréablement surprise par ce premier roman et il m'a donné envie d'aller m'embarquer pour Belz !

Ce billet aurait du être publié avant L'égaré de Lisbonne, un oubli de ma part !



Editions Liana Levy, 363 pages.

Wednesday, June 24, 2015

LIP des héros ordinaires

Besançon  - avril 1973. Annonce de la fermeture des usines LIP, entreprise horlogère bisontine qui compte 1 300 salariés. La raison ?  Pas assez rentable. L'entreprise fabrique des montres mais aussi du matériel militaire et un autre département des pièces destinées à des satellites. Solange, jeune femme, élève son fils Yvan avec Patrick, épousé quelques années après la naissance du petit. La jeune femme tient un journal intime où elle va raconter la mobilisation qui va bientôt naître à l'usine LIP et enflammer toute la France. Elle va faire la connaissance d'Adriel, leader naturel du combat contre ces licenciements abusifs. 

Simone va par hasard croiser la route d'un reporter photographe qui, blessé lors d'affrontements avec la police, lui demandera de prendre les photos du conflit à sa place. Solange se redécouvre alors peu à peu. Son époux, Patrick refuse de la voir s'engager auprès de ses collègues et souhaiterait qu'elle reste à la maison. Les femmes, n'étant pas, selon lui aptes à réfléchir à la politique. 

La lutte s'organise, les ouvriers arrivent à cacher leur "trésor de guerre" (plus de 30 000 montres) puis à occuper l'entreprise et à la faire fonctionner, malgré les injonctions de la justice. Leur conflit s'envenime, s'enlise mais il fait du bruit. A l'époque, la crise pétrolière vient de heurter durement l'économie et le pays a du mal à se relever. Les familles ouvrières ne peuvent résister longtemps sans salaire. Pourtant, leur combat, sans relâche (après 329 jours de lutte) finit par payer et en mars 1974 l'usine rouvre pour les 130 premiers salariés, avec la promesse d'embaucher les autres au fur et à mesure que la demande augmente. Ce qui sera fait.



Solange s'émancipe aussi. La lutte pour la sauvegarde de LIP lui aura appris que sans combat, rien n'est gagné dans la vie et qu'il faut se battre pour réaliser ses rêves. Simone prend donc sa vie en mains. L'année 73 sera un tournant. 

L'histoire est évidemment bien documentée et rythmée par cette double trame, celle de l'usine et l'émancipation féminine de Solange - Laurent Galandon a fait un véritable travail d'historien en relatant ce combat (dont j'ignorais l'existence) - on y sent un travail consciencieux avec une pointe de fibre militante (surprise d'apprendre que Mélanchon avait écrit la préface).



Mais si le fond est intéressant, parfois un peu trop didactique, la forme reste plutôt sage, sans surprise comme si le dessin de Damien Vidal (très agréable au demeurant) devait passer au second plan - le choix du noir et blanc n'était, selon moi, pas nécessaire pour apporter de la profondeur et surtout la couleur aurait pu accompagner ce mouvement de résistance.

Néanmoins une lecture intéressante et plaisante.

Mon dernier livre du challenge le Prix BD Cézam 2015. J'ai d'ailleurs voté aujourd'hui et j'ai élu aux trois premières places Le Muret, Rouge comme la neige et enfin Tsunami.

Sunday, June 21, 2015

L'égaré de Lisbonne

1500. Deux ans après l'ouverture de la route des Indes par Vasco de Gama, l'armada de treize nefs et caravelles commandée par Pedro Álvares Cabrai s'engage elle aussi en direction du cap de Bonne-Espérance.
João Faras, médecin et chirurgien du roi de Portugal, cosmographe, est embarqué dans l'aventure. Il est amené à dessiner le contour de côtes jusqu'alors jamais observées, espérant ainsi contribuer à l'enrichissement du très convoité Padrão Real, la carte du monde royale et secrète. Envoûté ou effrayé par les peuples rencontrés, malmené par la tempête, la maladie et la faim, il se languit de sa famille et doute de jamais revoir Lisbonne, porte sur la mer océane.
En ces temps de grandes découvertes, João erre entre le Moyen Âge et la Renaissance, le judaïsme et le christianisme, entre la terre et la mer, l'Ancien et le Nouveau Monde.

Second roman de Bruno d'Halluin après Jon L'Islandais (récompensé à plusieurs reprises), L'égaré de Lisbonne m'a embarqué à une période et des lieux où je n'aurais jamais été mettre les pieds si je n'étais pas inscrite au challenge Prix des Lecteurs Nantais. Dernier livre reçu et gros coup de coeur ! 

Pourtant ce n'était pas gagné : quitter les grands espaces américains pour embarquer avec un piètre médecin à bord d'un de ces frêles navires en route pour les Indes en 1500 de surcroît, très peu pour moi. Quelle erreur ! Car l'auteur a fait un formidable travail de chercheur et a su le transformer en roman d'aventures. Comme j'avais adoré découvrir le monde dans 3000 Chevaux vapeur, j'ai adoré embarqué à bord de ce navire, croiser les tempêtes, vaincre la peste, me battre contre les Maures, découvrir de nouvelles terres...

« C'était au temps où l'on osa enfin s'éloigner des côtes et s'enfoncer dans la mer ténébreuse »

1500 est une année clé dans l'histoire. Souvenez-vous, Christophe Colomb vient tout juste de découvrir l'Amérique - alors qu'il était parti en direction des Indes. En Europe, les guerres entre empires font rage. L’inquisition en Espagne et la peur du Roi au Portugal chassent les juifs et les musulmans. On quitte peu à peu le Moyen-Age et on s'engage dans la Renaissance où la science commence à être reconnue, malgré l'imposante religion catholique. Vasco de Gama a trouvé le chemin jusqu'aux Indes et depuis les Européens luttent dans une terrible compétition pour coloniser ces nouvelles terres. La carte du monde ne cesse de s'agrandir à chaque retour des cartographes. Des nouvelles îles sont découvertes et immédiatement baptisées. On y laisse à chaque fois un contingent pour défendre le Royaume, qu'il soit anglais, portugais ou espagnol. A cette époque, on ne connaît pas encore le Canal de Suez et on emprunte donc la route vers l'Inde en contournant le terrible Cap de l'Espérance - dont les terribles tempêtes emportent à chaque voyage des centaines de marins. La mer terrible met à mal les flottes du Roi, les poussant vers des directions inconnues, comme la caravelle qui transporte, bon gré, mal gré, notre héros malchanceux, João Faras - les voilà arrivés près de la Mer Rouge !

Une autre mésaventure permettra à d'autres marins portugais de découvrir un nouveau comptoir, celui du Brésil. L’Amérique du Sud n'est à leur époque qu'une petite île, appelée Vera Cruz. Les marins ignorent quel continent immense se cache derrière ! Bref - une période où tout est encore à découvrir. Époque passionnante, même si les intentions qui animent ces hommes ne sont pas les meilleures. Ils partent coloniser de nouvelles terres, répandre la parole de Dieu tout en établissant ports et lieux de commerce.

"La comète était apparue dix jours après notre départ de l'île de Vera Cruz. Chaque soir, on la voyait poindre du côté de l'orient, dans le cap suivi par le timonier. Je m'étais moqué de ceux qui avaient parlé de mauvais présage. Moi, mestre João Faras, médecin et chirurgien du roi de Portugal, cosmographe, moi, croire à ces superstitions ? Pourtant, je me sentais mal à l'aise quand je l'observais au-dessus de l'horizon, superbe, flamboyante, dotée d'une queue fort longue, rougeâtre : menaçante finalement. Le mal de mer était revenu m'indisposer, bien que la houle fût plutôt modérée.
Je préférais écouter ceux qui disaient que la comète avait été envoyée par Dieu afin de nous indiquer la direction du cap de Bonne-Espérance. Mais pour être honnête, je me surpris à éprouver du soulagement lorsque notre céleste apparition cessa de s'exhiber, après dix jours de parade équivoque.
Nous avions belle mer et bon vent. Les onze nefs et caravelles de notre armada traçaient un sillage régulier sur la grande volte atlantique, la route maritime aux vents portants qui devait nous mener dans l'océan Indien, que seule la flotte de Vasco da Gama avait parcouru avant nous. Les voiles, marquées de la croix rouge de l'Ordre du Christ, étaient fièrement tendues, et l'on oublia bien vite la comète.
"

L'esclavage est courant et même notre personnage principal, pourtant peu fortuné, possède son propre esclave. Nous sommes encore loin du Siècle des Lumières. Médecin du Roi, João Faras se voit confier une mission importante : cartographier son voyage aux Indes afin d'aider les hommes du Roi à agrémenter la très secrète Padrão Real, la carte du monde royale et secrète.. Car le Portugal, tout petit royaume à l'échelle européenne s'est imposé sur les océans. Il possède déjà plusieurs colonies et Vasco de Gama vient de découvrir une nouvelle route vers les Indes.


Mais João Faras a un secret : c'est un nouveau chrétien - juif d'origine, sa famille a préféré se convertir au catholicisme après les pogroms et l'Inquisition en Espagne.Cette particularité, à une époque religieuse particulièrement fiévreuse le met constamment en danger, lui, sa femme et ses deux filles. Le romancier français s'attache ici à montrer de quelle manière les juifs et autres minorités étaient considérés comme des hérétiques, et malgré leurs conversions, les émeutes et les chasses à l'homme perdurent.

Le héros, qui rêve d'apporter sa pierre à l'édifice et recevoir la reconnaissance du Roi embarque donc comme cartographe et médecin (il n'a jamais pratiqué) à bord d'un navire de Sa Majesté. Mais le pauvre homme est tout sauf marin et va passer la majeure partie du voyage alité ou à vomir dans multiples endroits, incapable de résister aux multiples tempêtes qui jalonnent le voyage. Il est incapable d'aider correctement les marins comme son poste de médecin l'exige, dégouté par leurs pustules, saignements ou vomissements. Car très vite les virus font rage à bord comme le scorbut où les dents tombent, les morts s'enchainent. La peste se répand partout comme une marée noire. Malheureusement pour lui et la flotte, le voyage ne se passera pas comme prévu. Dérouté vers une autre direction, les hommes tomberont les uns après les autres. Il découvre une île puis le peuple Maure - sa vie ne tient qu'à un fil. Le personnage est peu reluisant, c'est un lâche mais le lecteur s’accommode de son caractère lorsqu'il faut affronter une nouvelle tempête. C'est un miracle si Faras et une dizaine d'autres arrivent à retrouver le chemin de la maison. Déshonoré, João se voit retirer tous les accès à la cour. Inconsolable, l'homme va alors céder à la tentation et accepter de travailler pour l'ennemi en tentant de dérober une copie de la fameuse carte secrète, convoitée par plusieurs puissances étrangères. C'est le bien le plus précieux du Royaume et João va s'enfoncer dans les bas quartiers pour mener à bien sa mission.

"Deux jours après sa disparition, le soleil levant fit miroiter une puissante houle d'ouest qui imprimait de longues ondulations à la mer, comme si elle venait du bout du monde.
Au milieu du jour, nous vîmes grossir à l'horizon nord une nuée noire, épaisse, ténébreuse. Bientôt le vent tomba complètement et les voiles pendaient, flasques, le long des mâts, s'ébrouant seulement sous l'effet de la houle. Elles battaient parfois violemment lorsqu'une vague plus escarpée faisait se cabrer la nef. La vapeur sombre qui s'approchait avait davantage l'apparence d'une formidable fumée que d'une aimable brume. Le ciel s'obscurcit tout à fait, les claquements lugubres des voiles renvoyaient au visage des hommes de quart la moiteur du tissu. Le temps semblait comme suspendu. Je n'en menais pas large.
Soudain, les voiles s'enroulèrent à grand fracas autour des mâts : la tempête nous frappait de face, brutalement."

La dernière période du livre s'attache aux dernières années de la vie de João avant qu'il ne disparaisse. Car D'Halluin n'a pas inventé le personnage, une annexe (didactique et très documentée) en fin du livre permet au lecteur de découvrir que l'homme a bien voyagé en tant que cartographe du Roi mais a disparu quelques années après son retour. D'Halluin se permet donc de lui inventer une suite. Ces quelques années de surplus permettent surtout au romancier de décrire la vie à cette époque : la pauvreté, l'esclavage, les pogroms et puis la peste. Je l'ai trouvée moins passionnante que la première, mais comme tous ces faits ont réellement existé, j'ai appris plein de choses et j'ai vraiment cru me promener dans les rues de Lisbonne à cette époque. 
 
N'hésitez pas à embarquer avec Joao sur sa caravelle!  Et prenez vos médicaments pour lutter contre le mal de mer, vous en aurez besoin ;-)

Pour ma part, le challenge Prix des Lecteurs Nantais a pris fin. Ce challenge m'aura permis de découvrir de jeunes auteurs et des livres que je n'aurais sans doute jamais lus de moi-même. Je compte bien me réinscrire l'an prochain ! Et c'est à ce roman que j'attribue la meilleure note !


Editions Gaïa, 250 pages, Challenge Prix des Lecteurs Nantais

Friday, June 19, 2015

Programme de lecture estivale


L'été arrive !  J'ai hâte de pouvoir m'installer dans l'herbe, ou sur le sable au bord de la mer avec un bon livre à la main ! Une semaine de vacances en juillet puis trois semaines fin août. Pas de grands voyages cette année (deux prévus l'an prochain), aussi je vais pouvoir prévoir de longues plages de lecture ;-)

Et j'ai hâte de pouvoir reprendre un rythme normal (à partir de mercredi prochain) car je lis au ralentis et je déteste ça ! (obligations professionnelles petits curieux...)

Je prévois 16 lectures dont trois emprunts (j'en avais prévu un seul mais j'ai craqué....) Le reste provient de ma Pàl ! Elle va ressortir de l'été toute légère ;-) Je n'exclus pas de lire plus si possible, j'aimerais bien avaler un autre pavé. Quatre de ces lectures vont abonder mes challenges 50 États - 50 romans et  Canada. N'est-ce pas merveilleux ?


 

Mon premier emprunt est Cataract City de Craig Davidson. Le romancier canadien m'a bien filé un joli coup de poing avec son recueil de nouvelles et le billet enthousiaste de Marie-Claude m'a poussé à réserver son dernier roman à la BM. Il est là ! En rapportant deux livres, j'ai craqué pour All the light we cannot see d'Anthony Doerr qui était mis en évidence par les méchants bibliothécaires (j'ai lu vos critiques mais il me fallait et en anglais), et en me promenant (très vite) entre les rayons, j'ai été attirée comme par magie vers le livre de Ruta Sepetys Ce qu'ils n'ont pas pu nous prendre. La quatrième de couverture (La Lithuanie, la déportation en Sibérie) a eu vite fait de me convaincre ! Sans doute certains d'entre vous l'ont déjà lu.

J'ai eu la chance de recevoir de la part de Gallmeister le roman autobiographique d'Eve Babitz, Jours tranquilles, brèves rencontres.  J'ai hâte de plonger avec elle dans cette période faste d'Hollywood, un roman définitivement estival ! 




Je souhaite relire le classique To Kill a mockingbird (Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur) de Harper Lee pour pouvoir ensuite découvrir la suite du roman, fin août si tout va bien. Je pense que nous serons nombreux à nous jeter sur le livre. Ce qui me rassure c'est que cette suite a été en fait rédigée avant son best-seller et donc le style doit être proche.  Côté classique, j'enchainerai avec Les raisins de la colère de Steinbeck, mon voyage dans le passé américain s'achèvera avec le roman de F.S Fitzgerald, Tous les jeunes gens tristes. Puis, j'ai hâte de lire Le chant des plaines de Kent Haruf. Le plus grand succès de cet auteur malheureusement décédé l'an dernier et publié il y a dix ans, et bientôt un classique ;-)





J'y ajoute Le choix de Sophie de William Styron - une lecture forcément très triste, mais les deux tomes me font de l’œil depuis trop longtemps (trouvés en bouquinerie) ! Mon premier Fante, Bandini puis un policier écossais, Ian Rankin avec le premier volet des aventures de son inspecteur, L'étrangleur d’Édimbourg (si j'ai le coup de foudre, il me restera pas mal d'enquêtes à lire!). Enfin, le cadeau d'une très chère amie, Mémé attaque Haïti de Marie Larocque qui m'intrigue beaucoup !

Challenge 50 États - 50 romans :



Vous l'avez presque tous lu avant moi, mais connaissant mon amour du nature writing, il me fallait ! Les Arpenteurs, mon cadeau d'anniversaire m'attend donc en bonne compagnie avec La chambre des échos, un thriller déniché pour 50 centimes à Emmaüs. 

Challenge Canada en 12 romans :


Le billet très enthousiaste de Marie-Claude sur Balistique aura eu vite fait de me convaincre de l'acheter (et de lire). Et j'ai déniché ce roman de David Adams Richards (j'ai craqué pour cette édition car la couverture est magnifique) pour le Nouveau-Brunswick.

Comme d'habitude, cette présentation ne reflète pas mon ordre de lecture, elle se fera selon l'envie !

Et vous, des lectures déjà prévues ou au feeling ?

Tuesday, June 16, 2015

Le tireur

Nous autres, docteurs, savons reconnaître
une cause perdue quand - écoutez : il existe un satané
bel univers derrière cette porte : allons-y.
E.C Cummings


1901 - El Paso, Texas. La Reine Victoria vient de mourir. Une époque prend fin, celle du western et de ses légendes également. John Bernard Books en fait partie lorsqu'il franchit la porte de cette maison d'hôte, souffrant. Le médecin confirme ses craintes : J.B Books se meurt. L'une des plus fines gâchettes du Far West va mourir dans d'atroces souffrances (cancer de la prostate) d'ici quelques semaines. Très vite, la rumeur se répand comme une trainée de poudre. Les vautours affluent pour assister au spectacle de la mort du dernier des derniers. Books n'est pas idiot et décide d'organiser ses propres funérailles et sait parfaitement que tous ne veulent que se faire du fric sur son dos : qu'ils soient journalistes, barbier, ex-petite amie, croque-mort ou pasteur. Il les reçoit tous et découvre rapidement que trois autres bandits (un voleur de bétail, un joueur de cartes et un jeune fou de la gâchette) rêvent de devenir célèbres en le tuant. 

Books décide, comme tout bon tireur, d'écrire lui-même le dernier chapitre de sa vie en organisant un magnifique coup d'éclat. 

Un western magistral - maîtrisé de part en part par Glendon Swarthout. Un vrai cadeau que ce livre, trouvé par hasard, lors de mes pérégrinations à la BM. Impossible de ne pas repartir avec, même s'il n'était pas inscrit dans mon programme printanier !

Tout m'a plu, le style, d'abord - l'auteur nous fait partager les dernières heures d'une légende avec une écriture sèche et âpre. Les personnages sont tous uniques et passionnants. L'intrigue très forte. 

Books se sachant mourant, tente d'agir bien cette fois-ci. Il prend conscience de sa vie, de ses échecs, de ses regrets mais aucun remords. Il n'est pas un assassin mais un homme qui sait mieux tirer que quiconque et dont la légende s'est bâtie autour de lui sans qu'il s'en inquiète. Peu à peu, sa fin approche et l'écriture de de Swarthout devient poignante. Une œuvre crépusculaire d'une des périodes les plus fascinantes de l'histoire de l'Ouest.

"Il rêva. Il n'eut pas de vision. Il rêva de l'échange de tirs au restaurant de Bisbee, dans l'Arizona, la seule bagarre où il ait été jamais blessé. Les deux hommes qui s'étaient jetés sur lui, les deux hommes qu'il avait tués n'avaient plus de visage; il ne les avait jamais vus avant ce soir-là, quand ils avaient échangé des insultes plus tôt dans la soirée à une table de bonneteau dans un saloon." (p.65)

Le talent de Swarthout est de captiver son lecteur du début à la fin, même si parfois l'écrivain n'épargne rien des souffrances atroces du héros à ses lecteurs  sa perte de poids s'accélère, son visage se décharne) peut dérouter le lecteur. Mais c'est tout aussi passionnant de voir à quel point cet homme est dorénavant dépassé par une nouvelle époque, celle de l'électricité, du tramway, de la ville. Ainsi le shérif lui lance  “Où est votre place dans cette marche du progrès ? Nulle part. Votre place est au musée”. Sa mort annoncée attire tous ces êtres avides d'argent et de reconnaissance. Ils savent qu'avec lui s'éteint une des plus fabuleuses périodes de l'histoire américaine et chacun veut lui arracher un morceau de gloire. 

"Je garderai ma fierté. Et mes revolvers chargés jusqu’à la dernière minute.”

Un vrai western avec un vrai duel comme on en rêve. Moi qui aimais regarder les western, enfant, avec mon père, j'aime vraiment les découvrir par le biais de l'écriture. Lonesome Dove aura été le point de départ de ma passion pour ce genre littéraire et Gallmeister a eu la bonne idée de les ressortir (comme Tavernier).  La tension est palpable comme au cinéma et contrairement au 7ème art, on s'attache plus facilement aux personnages (dans les films, ils sont souvent peu reluisants).

The shootist a été adapté au grand écran en 1976 par Don Siegel, avec l'indécrottable John Wayne dans le rôle principal, sous le titre prémonitoire : Le dernier des géants. Le casting était plus que satisfaisant : Lauren Bacall, James Stewart et le jeune Ron Howard.

Sept de ces romans furent adaptés au cinéma dont la fameuse 7ème Cavalerie. Pour ma part, j'ai hâte de découvrir son livre The Homesman, dont j'avais beaucoup aimé l'adaptation cinématographique et que Marie-Claude a eu la bonne idée de lire, la preuve son superbe billet, tout juste publié !



Gallmeister, Collection Totem, traduction Laura Derajinski, 199 pages

Sunday, June 14, 2015

Miscellanées

De retour avec le deuxième numéro de Miscellanées. Comme je l'expliquais dans le premier billet, cette chronique a pour but de parler littérature mais d'une manière différente et parfois d'autres sujets qui me plaisent ou que j'ai croisé en lisant d'autres blogs.

  1. Hot Dudes Reading - Instagram
Il y a longtemps, j'avais découvert un compte Tumblr où un photographe new-yorkais prenait en photo les lecteurs du métro new-yorkais, en leur demandant le titre du livre. Celui-ci est assez différent, car ce compte Instagram n'a qu'un seul objectif : vous montrer que lire c'est cool - en voici la preuve : des tas de mecs très mignons lisent. 
Pour les bilingues, les textes accompagnant ces photos sont parfois très amusant (et très loin du monde littéraire).





2.  Alice's Adventures in Paperland with Moleskine

Ici, je vole délibérément une vidéo qu'Océane a ajouté dans ses fatrasies du vendredi. Comme beaucoup d'amoureux des lettres, j'ai une passion pour les carnets. J'en achète toujours plein. Je ne les utilise pas pour faire des listes ou écrire de jolies missives, plus comme des carnets de bord, de voyage - j'y note tout un tas de choses (dont mes notes pour les blogs), des citations, des livres ou des films qui me tentent, et puis j'y dessine.
Autant dire que les Moleskine et moi, ça remonte à loin. Je n'avais jamais prêté attention à leur campagne publicitaire (je crois n'en avoir jamais vu) - mais j'aime beaucoup celle-ci.






3. J.D Salinger - The Catcher in the Rye (l'Attrape-coeurs) 


Je suis aussi sur Tumblr - ça me permet de suivre beaucoup de blogs dédiés aux livres. Comme vous le savez, J.D Salinger est mon auteur préféré. Il se trouve que je relis souvent ses nouvelles mais rarement son unique roman et pourtant ... En relisant cet extrait trouvé sur Tumblr, j'ai souri en pensant à l'auteur et à sa profonde volonté de se retirer du monde.  J'avoue que dans mes rêves, j'aimerais bien rencontrer Dennis Lehane dans un pub et partager une Kilkenny, sauter dans une bateau et parcourir les Everglades avec Carl Hiassen, partir faire une balade à cheval avec Jim Harrison ou aller admirer les bisons de Dan O'Brien




4. Sortie française d'Opération Napoléon d'Arnaldur Indriðason


Il y a trois ans, alors en vacances en Thaïlande, j'ai déniché à Bangkok un des premiers romans de mon auteur islandais préféré, publié en 1999 (traduit en anglais) : Opération Napoléon. A l'époque, je l'avais dévoré et j'avais même écrit un billet à son sujet. Erlendur n'y apparait pas mais le roman est passionnant (un peu plus rythmé) et démontre une nouvelle fois le talent immense du romancier.
Et surtout il prouve une nouvelle fois l'attrait d'Indridason pour la grande Histoire, l'intrigue tourne autour de la présence de l'armée américaine sur l'île et se déroule en deux temps : 1945 et en 1999.

Bonne nouvelle (il était temps) pour les non bilingues, Les Éditions Métailié vont enfin publier une version française en octobre prochain. Pour ma part, je vais devoir attendre février 2016 pour la sortie du prochain roman Camp Knox pour retrouver Erlendur. Camp Knox est un camp militaire à Reykjavik pendant les années de la guerre et l'auteur poursuit en fait l’histoire de cette jeune fille qui disparaissait dans son précédent roman, Les Nuits de Reykjavik. On ne connaît pas encore le titre français. L’histoire se passe en 1979 [5 ans après les Nuits de Reykjavik] J'ai hâte !

Si vous êtes curieux, l'auteur islandais se confie dans cette courte interview


5. Carol de Todd Haynes avec Rooney Mara et Cate Blanchett

Le festival de Cannes a fermé ses portes, offrant à Rooney Mara la Palme d'Or pour l'interprétation féminine dans le film Carol, réalisé par Todd Haynes. Le film est l'adaptation cinématographique du deuxième roman de Patricia Highsmith. Publié en 1952, sous le pseudonyme de Claire Morgan (version censurée), le roman raconte l'histoire d'amour entre deux femmes, Thérèse (Rooney Mara) et Carol (Cate Blanchett), une femme en procédure de divorce. A cette époque, écrire une histoire d'amour entre deux femmes était vraiment osée.  Le livre sortira dans sa version originale en Angleterre sous le titre Price of Salt. Il faut attendre les années 90 pour que le roman sorte en France dans sa version originale. 

Je connaissais Patricia Highsmith à travers le personnage phare de quatre de ses romans, Monsieur Ripley. Je les ai tous dévorés étudiante. Son premier roman, L'inconnu du Nord-Express lui ouvrit les portes de la gloire dès 1950. Etrangement, je n'avais jamais entendu parler de son second roman adapté aujourd'hui au cinéma.



Enfin, si j'en parle ici, c'est aussi parce que j'adore Rooney Mara. Les deux actrices sont très talentueuses mais je suis vraiment fan de Rooney. J'aime son jeu toujours en subtilité, presque en retrait. Pour ceux qui la connaissent peu, l'actrice (très timide) a joué la petite amie de Zuckerberg dans Social Network, puis Lisbeth Salander dans l'adaptation américaine de Millenium, une jeune femme manipulatrice dans Effets secondaires de Soderbergh et une femme amoureuse dans le très beau film Les amants du Texas (Ain't them Bodies Saints). Récemment elle a joué dans Her de Spike Jonze. Elle vient d'être récompensée à Cannes mais son absence lors de la cérémonie et le fait qu'elle partage son prix avec une actrice française, a sans doute joué dans le fait que sa victoire a totalement été éclipsée par les médias français. Je tenais donc à en parler ici et vous dire que j'ai hâte de voir le film et me procurer le roman. Le film ne sortira qu'en décembre Outre-Atlantique - ça laisse du temps pour lire le livre avant ;-)