Monday, March 30, 2015

Tsunami

C'est dans le cadre du challenge Prix BD Cézam 2015 que j'ai reçu cet ouvrage. Je lis peu de bandes-dessinées aussi je ne connaissais ni le coup de crayon de Jean-Denis Pendanx, ni la plume de Stéphane Piatzszek.

Tsunami - comme son titre l'indique embarque le lecteur en Indonésie, sur l'île de Banda Aceh où la vague meurtrière est venue tout emporter le 26 décembre 2004. Nous sommes en 2013, Romain, un jeune homme français débarque à la recherche de sa soeur ainée, Elsa, disparue en 2006 après être venue aider le peuple indonésien au lendemain de la catastrophe. La jeune femme n'a plus jamais donné de nouvelles. Elle avait 31 ans à l'époque, son frère 16.

Romain ne possède que très peu d'éléments et le policier qui avait mené les recherches à l'époque lui rappelle que le pays compte plus de 8 000 îles et lui demande de faire attention à ses fréquentations (la consommation de drogues étant sévèrement réprimée en Indonésie). Romain se rend au lac Toba où Elsa a séjourné avant de disparaître. Il fait la connaissance de Jessie, une jeune femme Papoue indépendante et aventurière, qui va lui voler ses affaires avant de se décider à l'aider. Les deux jeunes gens s'embarquent pour l'archipel des Banyak où sa soeur serait partie en quête de spiritualité. 

Romain emprunte les chemins que son ainée a suivi des années plus tôt et rencontre des gens qui l'ont connue et aimée. Peu à peu, Romain découvre qui était réellement sa sœur et finira par comprendre ses choix.


En premier lieu, je suis heureuse de vous dire que j'ai aimé l'histoire (même si elle n'évite pas certains écueils, on pense ainsi à tous ces occidentaux partis à Bali en quête de spiritualité, à la fille exotique) et le dessin. Les deux ! J'avoue que j'avais été déçue par le coup de crayon des deux dernières bande-dessinées lues dans le cadre de ce challenge, aussi je suis ravie de pouvoir dire ici que tout m'a plu.

Stéphane Piatzszek nous livre ici une belle histoire rendant hommage au peuple indonésien, durement frappé après le tsunami mais qui a su garder sa dignité et ne jamais perdre espoir. Parallèlement, il nous livre le parcours humain d'un jeune homme en quête de savoir, mais également en quête de sa propre identité à travers les pas de sa soeur. Romain nous ressemble tous. 


Le dessin de Jean-Denis Pendanx m'a beaucoup plu. Les teintes claires, le coup de crayon - tout m'a fait pensé à des peintures, des aquarelles comme Titouan Lamazou sait le faire lors de ses voyages. Pendanx réussit un tour de magie en montrant au lecteur certaines rues le jour du tsunami et 9 ans après.

Cette bande-dessinée remporte haut la main la plus haute note dans le cadre de challenge. Pour l'instant. 
Note : 8/9

Saturday, March 28, 2015

Programme de lecture


Pour ceux qui me lisent régulièrement, vous savez que ma PàL a augmenté de manière exponentielle ces derniers temps. J'ai donc décidé de m'astreindre à un planning de lecture, au programme des livres de ma pile à lire mais également ceux que je ne peux m'empêcher de m'emprunter lors de mes passages en bibliothèques ainsi que ceux reçus dans le cadre de mon partenariat. Ici, la parité s'exerce : 3 emprunts et 3 livres issus de ma PàL dont un de mon partenariat.

J'ai terminé cette semaine la lecture de Pike de Benjamin Whitmer (chronique à venir). Ce dernier vient la semaine prochaine à Nantes. J'avoue que je suis curieuse de le rencontrer. Afin d'alterner polars et romans, j'ai commencé la lecture de L'homme de la montagne de Joyce Maynard - la faute à qui ? Vous êtes nombreuses ici à avoir été emballée par ce roman, Marie-Claude m'en a reparlé plusieurs fois aussi je n'ai pas hésité à l'emprunter. Je viens de le terminer ce matin-même.




J'ai choisi d'enchaîner avec mon deuxième emprunt en cours pour respecter les délais de retour et parce que la quatrième de couverture me tente bien.

C’est l’histoire d’une fille qui ne veut pas aller au bal de promo, d’un apprenti poète qui l’a épousée pour trouver l’inspiration, et d’un petit garçon rondouillard qui, à défaut d’être cow-boy de l’espace, est ravi de tracer la route en camping-car avec eux.
L’équipée sauvage d’Hester Louise Day s’annonce comme un fiasco épique. Parce que la famille, même bricolée, ce n’est jamais un long fleuve tranquille, surtout quand on est recherché par la police et le FBI.

Une anecdote ? J'avais également réservé ce livre à ma bibliothèque et quand j'ai eu l'e-mail pour me dire qu'il était disponible, je me suis demandée pourquoi je l'avais réservé : Marie-Claude of course !



C'est en allant rendre d'autres emprunts que j'ai trouvé par hasard ce livre. J'avoue que je pensais à Dror Mishani en me promenant dans les allées. La faute à qui ?     Marie-Claude of course !

Dans un quartier sans histoire de Tel-Aviv, le viol d'une jeune fille met la police en émoi. Pas d'indices, pas de témoins, pas de suspects. Le père de la victime décide de mener sa propre enquête, jusqu'à identifier Ziv Névo comme le coupable. L'affaire serait sur le point d'être classée, sans les doutes du vieil inspecteur Élie Nahoum. Pourquoi Névo refuse-t-il de s'exprimer ? Qui veut-il protéger par son silence ? Le père aurait-il pu forcer sa fille à accuser un innocent ? Entre le policier et le suspect commence un duel sous haute tension...

C'est son deuxième livre, et apparemment le premier était pas mal du tout. Pour moi ça sera une découverte et mon premier polar israélien.
J'ai cependant réservé Une disparation inquiétante  de Mishani dès que j'ai vu qu'il était disponible (livraison prévue mi-avril). Je pense que ça sera intéressant de pouvoir les comparer.


J'ai adoré le film et quand j'ai mis par hasard la main sur le livre à Emmaüs, je n'ai pas hésité une seconde (et je n'ai pas besoin d'en dire plus) :




J'avais repéré ce livre sur le catalogue de Gallmeister et mon vœu s'est exaucé puisqu'il est arrivé dans ma boîte aux lettres samedi dernier. L'avis d'un journaliste du Nouvel Obs. m'avait marqué également :

Comment définir cet excellent premier roman d'un ancien marine et auteur de nouvelles pour des magazines sportifs, dont le père avait été flic à Chicago ? Comme un polar des grands espaces ? Un chant d'amour au Montana ? Un portrait inquiétant d'une Amérique à la dérive ? Ou comme un livre d'une tonalité plutôt gaie, rapide, tonique, où l'auteur appelle un chat un chat et ne confond pas une truite arc-en-ciel avec une cuttbow ni avec une cutthroat aux traits carmins sous les branchies. Le bonheur en somme !

Enfin, pour ceux qui l'ignore, j'ai eu la chance de vivre au Montana et je comprends tout à fait cette déclaration d'amour à cet endroit sublime et encore sauvage.




Enfin, en parcourant du regard ma bibliothèque l'autre jour, j'ai trouvé d'autres livres achetés il y a un ou deux mois et j'ai eu honte de les avoir déjà oubliés, donc j'ai ressorti celui-ci :  Eleanor Rigby de Douglas Copland.

Un coup de fil peut tout changer...
Liz Dunn est grosse et lucide sur elle-même. Et si derrière cette morne apparence se cache un esprit acéré, elle n'attend rien de la vie, hormis une imminente opération dentaire et une quantité de films larmoyants loués pour supporter sa convalescence.
Mais alors qu'elle vient d'épuiser son stock de tranquillisants et que résonne le générique de fin du dernier film, un jeune inconnu est admis à l'hôpital. Il porte une inscription sur son bracelet médical : En cas d'urgence, contactez Liz Dunn... Magnifique roman sur la solitude, Eleanor Rigby répond, avec l'inimitable ironie de Coupland, à la question posée par la célèbre chanson des Beatles. 


Après Tenuto, je vais donc complètement changer de style, mais j'en ai besoin. J'avoue que le choix a été très difficile, que d’autres livres me font de l’œil mais que je vais faire mon possible pour résister à la tentation !


Je tiens aussi à remercier toutes les blogueuses et blogueurs qui me suivent car ils ont participé largement à allonger ma wishlist, augmenter mes achats récents et surtout à allonger la liste de livres (51 à ce jour) que j'ai repérés à la médiathèque et que j'ai ajoutés à mon panier.....Je vous remercie tous, lecteurs silencieux et ceux qui viennent me laisser des petits mots (par ordre alphabétique en espérant n'oublier personne) : Cachou, Jackie Brown, Keisha, Jean-Marc, Jérôme, Laeti, Nelfe, Marie-Claude, Mior, Alison Mossharty, Océane, Quai des Proses,  Zarline.

En un mot : Coquins !!!!


Thursday, March 26, 2015

Faillir être flingué

Un souffle parcourt les prairies du Far West, aux abords d'une ville naissante vers laquelle toutes les pistes convergent. C'est celui d'Eau-qui-court-sur-la-plaine, une Indienne dont le clan a été décimé, et qui, depuis, exerces ses talents de guérisseuse au gré de ses déplacements. Elle rencontrera les frères McPherson, Jeff et Brad traversant les grands espaces avec leur vieille mère mourante dans un chariot tiré par deux boeufs opiniâtres ; Xiao Niu, qui comprend le chant du coyote ; Elie poursuivi par Bird Boisverd ; Arcadia Craig, la contrebassiste. Et tant d'autres dont les destins singuliers se dévident en une fresque sauvage où le mythe de l'Ouest américain, revisité avec audace et brio, s'offre comme un espace de partage encore poreux, ouvert à tous les trafics, à tous les transits, à toutes les itinérances. Car ce western des origines, véritable épopée fondatrice, tantôt lyrique, dramatique ou burlesque, est d'abord une vibrante célébration des frontières mouvantes de l'imaginaire.

J'ai toujours eu envie de lire ce livre depuis sa sortie. En premier lieu parce qu'il s'agit d'un western, genre que j'affectionne particulièrement, et en second lieu parce que la quatrième de couverture me semblait particulièrement alléchante. Etrangement, j'ai eu ce livre à plusieurs reprises entre mes mains mais à chaque fois je le reposais. Alors quand j'ai découvert qu'il était disponible à la médiathèque, je n'ai pas hésité une seconde.

Je n'ai lu aucun livre de Céline Minard. La première phase résume parfaitement l'histoire : comment des hommes qui ne se connaissent pas vont se croiser à plusieurs reprises et converger vers le même lieu. La petite bourgade semble agir sur eux comme un aimant. Elle y attire toutes sortes d'hommes et de femmes. Car ici Céline Minard fait la part belle aux femmes : chaman, fille de joie, musicienne, patronne de bar, tisseuses, elles sont nombreuses et très intelligentes.

"Elle aurait volontiers fumé une pipe d'opium pour changer. Au lieu de quoi, elle se resservit un verre de brandy, du meilleur de sa réserve, car il ne faut jamais se laisser aller dans l'adversité. Que tout la ville aille donc se laver et se faire masser par quatre Chinois tripoteurs, après tout, qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire, ses clients arriveraient plus propres et moins à cran, et voilà tout, la belle affaire !" (page 248)

J'avoue que j'ai eu un peu de mal à rentrer dans le roman car en l'espace de quelques chapitres, la romancière présente à tour de rôle tous les personnages. Et ils sont nombreux et parfois très ressemblants, ils se croisent et se volent.  Ils finiront tous, voleurs et victimes par se retrouver dans cette petite bourgade. Chaque lecteur peut aisément s'identifier à un ou deux personnages. Les hommes, de leurs côtés, sont buveurs, bagarreurs, rudes mais profondément attachants.

L'autre talent de Céline Minard est d'apporter une touche d'humour à l'histoire. Les hommes sont quelque peu rudimentaires. Ainsi lorsque Josh retrouve par hasard un type qui porte ses bottes, c'est la ville entière qui se charge d'organiser un défi entre les deux hommes dont les bottes sont la récompense. Les hommes oublient rapidement leurs différents au contact de l'alcool. On ne s'ennuie pas une seconde.

Comme un fil conducteur, Eau-qui-court-sur-la-plaine vient ici soigner les âmes en peine, les blessés, qu'ils soient blancs ou indiens. Cette chaman qui parcourt la plaine avec Gifford, un métis, est respectée par tous les indiens. Dans cet Ouest sauvage, les tribus indiennes se font encore la guerre. Le commerce avec l'homme blanc est florissant.  J'ai vraiment adoré le personnage d'Elie - un jeune homme attachant qui unit les deux mondes, celui de l'indien et de l'homme blanc. Céline Minard décrit parfaitement ce monde entre parenthèses, où les orpailleurs et les vendeurs de peaux côtoyaient les tribus indiennes. Où ces derniers les accueillaient et leurs dispensaient soins et nourriture en cas de besoin. Que dire de Gifford et de ses magnifiques dessins d'oiseaux ? De Josh et de son amour maladroit pour Xiao Niu ?

"C'était peut-être le scalp d'un dieu cheval qu'Elie avait obtenu en courant dans les cieux lors d'un voyage dans la terre de ses ancêtres d'où il était revenu par magie." (page 156)

Céline Minard a vraiment réussi à recréer avec talent ce monde perdu - la naissance de cette petite bourgade, l'attachement croissant de ses habitants au fil du temps à ce lieu et cette vie en communauté. 

Je repars de cette lecture avec plein d'images en tête : les gouailles de cow-boys, l'odeur de la laine de mouton, le petit paradis vert de Brad, le commerce ambulant de Jeff, les baignoires de Zeb, les oiseaux de Gifford et Elie, libre comme l'air. 
Payot-Rivages,  326 pages.

Tuesday, March 24, 2015

Craquage de slip....



Marie-Claude disait dans un de ses commentaires que sa PàL ne cessait de pousser à vive allure, et que lire les blogs pouvait être mauvais pour la santé (financière). Propos confirmés par Belette qui mentionne sur son blog que son banquier serait fort mécontent d'apprendre qu'elle a encore craqué...

Bref, tout ça pour dire que je me sens moins seule ;-)   

Afin de ne pas risquer de provoquer chez ma banquière une crise cardiaque, je suis allée en bouquinerie avec la ferme intention de ne pas dépenser plus de 3 euros par livre.  Opération réussie. Seulement, je n'avais pas prévu de repartir avec 7 livres.

Mais ce n'était que le début car j'avais envie depuis longtemps d'aller faire un tour à Emmaüs ... Vous auriez du voir ma tête en découvrant l'immense carré réservé aux livres.. 1h30 plus tard je repartais avec pas moins de 15 livres sous le bras, pour un prix très raisonnable fort heureusement (un billet de 20 €).

Je m'adresse ici aux étudiants en sociologie : savez-vous que recevoir le matin un nouveau livre dans le cadre d'un challenge, un deuxième le midi par votre soeur, puis récupérer deux livres mis de côté par la médiathèque pouvait entrainer chez une personne normale une forte propension à se rendre dans une bouquinerie exploser son budget ?!

Je tiens quand même à préciser que j'ai été fort minutieuse à la bouquinerie et à Emmaüs.  Dans la bouquinerie, je me suis concentrée exclusivement sur les livres de poche, puis j'ai regardé TOUS les livres par ordre alphabétique. En prenant soin, à chaque fois, de retirer 4 livres afin de voir ceux qui sont cachés derrière (j'ignore comment s'appelle ce système de rangement en épi, qui cache toujours plusieurs livres). Je commençais par le haut, puis me baissais, et j'inversais au fur et à mesure de ma progression. 

Autant dire que j'ai été rapidement repérée par le gentil libraire qui est venu me délester de mes six premiers achats. J'ai décidé d'être raisonnable et j'ai accéléré ma lecture de la T à Z (je sens les regrets pointer). 

A Emmaüs, j'ai découvert le rayon broché Gallimard, puis les policiers (Poches et brochés), puis les romans Poche et brochés. J'avais apporté un pochon en plastique qui débordait et j'ai fait pitié au vendeur qui m'a donné un sac bien plus solide.

Voici donc la fameuse liste de mes achats qui vient faire exploser ma PàL ...


A gauche d'autres achats, debout derrière mes Gallmeister qui m'attendent chaudement ;-)

1. Harold et Maude de Colin Higgins : dois-je en dire plus ? J'ai adoré le film - il me fallait donc le livre. Je ne le cherchais pas mais comme par miracle il m'attendait sagement caché derrière un épais volume.

2. La chambre des officiers de Marc Dugain : j'avais beaucoup aimé L'avenue des Géants et j'ai lu tout récemment sur un blog une chronique enchantée sur ce livre. Impossible de me souvenir où. En tout état de cause, j'ai su qu'il rentrerait avec moi dès que je l'ai vu. 

3. Le temps des prodiges d'Aharon Appelfed : ni l'auteur, ni le titre ne m'étaient familiers mais comme je souhaite toujours découvrir de nouveaux auteurs j'ai jeté un oeil sur la quatrième de couverture. Une histoire sombre (la montée du nazisme et son impact sur une famille dont le père va peu à peu perdre tous ses droits) m'a interpelée.

4. L'homme au parapluie et autres nouvelles de Road Dahl : dois-je en dire plus ? J'adore cet auteur. J'ai failli acheter tous ses autres livres (ici en version française, je ne le connaissais qu'en anglais).

5. La vierge froide et autres racontars par Jorn Riel : idem.  J'ai découvert cet auteur et ses contes nordiques hilarants grâce à une proche amie, alors j'ai craqué et j'ai failli acheter un autre ouvrage de lui (je regrette déjà). Avec lui vient la promesse de passer du bon temps. 

6. La maison de Lalia et autres nouvelles de Ludmila Oulitskaïa : j'ai retrouvé le plaisir de lire des nouvelles et j'aime bien la collection de Folio à 2 euros. Ici une plongée dans la vie des habitants en Russie qui vivent dans ces appartements communautaires où sont partagées cuisine et sanitaires (une коммунальная квартира).

7. Ida (et une seconde nouvelle) d'Irène Némirovsky : ici c'est la plongée dans les années 30, le tout Paris, le cabaret. En route ! 

8. Le liseur de Bernhard Schlink : j'avais vu et beaucoup aimé le film avec Kate Winslet et j'avais très envie de le lire. Une édition brochée Gallimard soignée.

9. Les Bienveillantes de Jonathan Littell : le pavé (896 pages) ! Mais je ne pouvais pas passer à côté, surtout en broché Gallimard. Mais à lui seul, il pèse bien 1 kg!

10. La chambre aux échos de Richard Powers : quand j'ai vu le livre (broché Le Cherche Midi), j'ai été attirée par la couverture puis j'ai lu le résumé. Vainqueur du National Book Award : "Ce roman aborde la question de l'identité et de la condition humaine, sans jamais se départir d'un remarquable sens du récit et de l'intrigue". Que demander de plus ?

A droite ma PàL (une partie dont les cadeaux de Noël et le partenariat)

11. Un hiver à New York de Lee Stringer : idem. Le récit bouleversant d'un homme en proie à deux obsessions : le crack et l'écriture.  Kurt Vonnegurt a écrit "au jour du jugement dernier, les anges distingueront Lee Stringer pour son humanité". Bon signe, non ?

12. Le lit d'Aliénor de Mireille Calmel (l'intégrale) : j'ai lu très peu de romans historiques, et à Emmaüs j'aurais pu acheter des collections entières. Pour commencer, j'ai préféré prendre celui-ci dont le succès n'a jamais été démenti (environ 700 pages).

13. La chorale des maîtres bouchers de Louise Erdrich : ici c'est facile : le nom de l'auteur a suffi pour que je me saisisse de ce livre. De surcroît, la couverture est superbe (Le livre de Poche) et la quatrième dit "Un roman d'une richesse presque inimaginable : l'exploration d'un monde où les bouchers chantent comme les anges".

14. Journal 1931-1934 d'Anaïs Nin : J'avais déjà lu des extraits et écouté avec amour Guillaume Gallienne raconter sa vie. Ici le premier des quatre tomes, Anaïs a onze ans et s'embarque pour l'Amérique...

15. La mort du roi Tsongor de Laurent Gaudé : un classique dont je ne cesse d'entendre parler. Il était temps qu'il rejoigne ma bibliothèque (et que je découvre Gaudé par la même occasion).

16. Dans les replis du temps de Kate Atkinson : J'aime beaucoup cette romancière que je n'ai pas lu depuis des années, j'ai hésité mais je suis heureuse de l'avoir pris.

17, 18 et 19. Le temps d'Anaïs, La Boule noire et Maigret a peur : 3 romans de George Simenon réunis dans un seul ouvrage dans la collection George Simenon. J'ai déjà lu 2 ou 3 enquêtes de Maigret et j'ai adoré (alors que je détestais la série télévisuelle).  Une lecture agréable à venir.

Je vous fais grâce des deux livres cuisine et d'un autre livre acheté ....que j'ai déjà!

20. Je me dois d'ajouter à ces lectures un très joli livre reçu en cadeau (merci à toi Marie-Claude, pour ne pas te citer) Le ravissement des innocents par Taiye Selasi.  Je suis trop gâtée, je le sais ! 

Et quand on parle d'être gâtée, ceux qui me suivent sur FB auront vu qu'une fée est passée (Ekaterina) et m'a déposé 3 jolis livres dans ma boîte aux lettres... J'ai sauté de joie en apercevant l'enveloppe ! Je suis en train de lire le premier car l'auteur, Benjamin Whitmer, vient à Nantes dans une semaine. 

Au final, voici ma nouvelle PàL....  car il existe l'autre PàL .. l'ancienne, celle bien rangée dans ma bibliothèque...  bon un jour je vous la montrerai...   (Traduction : j'ai trop honte).




Il est donc clair qu'il est temps : 

1. D'arrêter d'acheter et d'emprunter des livres car à cette allure-là mon banquier va faire un malaise et je vais marcher sur les livres.. 

2. De me faire une vraie liste de lectures à venir (Marie-Paule le fait aussi et je crois que j'en ai besoin) - liste que je vais vous dévoiler dans un prochain billet (il suffit juste de faire un choix...)

3. Et par lectures, j'entends celles provenant de ma PàL .... et de mon tout nouveau partenariat avec vous savez qui 


EDIT : j'ai écrit ce billet le matin et l'après-midi même je ne respectais ni le point 1, ni le point 3. Je me suis rendue à la médiathèque retourner des livres et c'était impossible de repartir les mains vides.  Un seul cependant. Enfin, sans compter un autre roman que j'ai réservé mais qu'il me fallait : Une disparition inquiétante de Dror Mishani.  Je m'améliore donc  ;-)

Sunday, March 22, 2015

Des hommes en devenir

L'an dernier, j'avais choisi comme mon livre de l'année 2014 préféré son premier roman, Le sillage de l'oubli. Il m'aura fallu du temps pour découvrir ce recueil de nouvelles (10) mais quel plaisir ! Je ne pensais pas retomber à nouveau en amour, comme disent nos cousins québecois. Bruce Machart est une perle rare, un diamant brut de la littérature américaine. Faulkner, Steinbeck .. et aujourd'hui Machart

Bruce Machart dresse avec Men in the making des portraits d'hommes comme peu de romanciers savent le faire. Des hommes au visage buriné, des hommes qui travaillent en usine, en scierie et en raffinerie, qui roulent en pick-up, passent leurs soirées dans les bars à boire de la bière et refont le monde avec leurs potes. Ces hommes sont souvent des taiseux. On est très loin des cols blancs new-yorkais. Machart décrit un monde qui nous semble déjà lointain, une génération d'hommes dont les repères ont été bousculés avec la perte de leur emploi, le départ de leurs femmes, le décès de leurs enfants. Ici le bonheur n'est presque qu'illusion, il vous est donné mais il vous est toujours repris.

"Ça, pour le connaitre, vous le connaissez, Jimmy, comme il le dit lui-même, c'est un mec "qui roule en pick-up, qui a un peu de bol, et les soirs où ça rigole, un petit minou pour tirer son coup. [...] Y a pas de doute, Jimmy, il a plus de chemises de bowling que de plomb dans la cervelle, mais ça fait un bout de temps que vous le connaissez et quand une nana se met à rimer avec tracas, il ne tarde jamais à se pointer au volant de son pick-up" (page 16)

Ces portraits d'homme sont magnifiques, Machart sait comme personne, dans un style à part, faire ressortir leurs failles, leurs craintes mais aussi leurs espoirs, leurs rêves, leurs fantasmes. Dans ces visages que l'on devine burinés par le soleil brûlant des terres Texanes, chaque ligne du visage est comme une cicatrice en mémoire d'un évènement douloureux. Dans chaque nouvelle, la vie croise la mort. Une arrivée pour un départ. Leur courage, leur résistance sont sans cesse mis à l'épreuve. Ces hommes laissent parfois tomber leur masque et Machart nous laisse effleurer leurs émotions. Chaque homme a sa Gloria, qu'elle soit bavarde, plus mère que femme ou l'inverse, elle met à nu son époux. Les hommes de Machart sont taciturnes ; ils ne savent pas communiquer avec leurs femmes mais lorsqu'ils les regardent, c'est un avec un amour si puissant que le lecteur en est chamboulé. Ils sont amoureux d'un geste, d'un regard, d'une expression, et nous avec.



"Je ne suis pas originaire de l'Arkansas. Mais j'ai tout de même vu ma part de cieux étranges" (page 23).

Machart est Texan et là-bas tout est différent. Le rythme est plus lent, les mots ne sont pas les mêmes, le vent souffle différemment. Le Texas vous prend et vous recrache comme après une tempête de sable. C'est une terre qui exige efforts et résistance.

"C'était le genre d'homme qu'il ne valait mieux pas importuner, quoi qu'eût dire ma mère sur les foutaises qu'il racontait, un homme qui voulait que je boive ce qu'il m'avait donné, alors je pris une gorgée prudente ; c'était froid sur mes dents et amer au fond de ma gorge, et une véritable surprise comme seule peut l'être la première bière d'un garçon. 
- "Maintenant, on peut causer, dit-il". (page 79) 

Dans chaque nouvelle un de ces hommes à l'apparence brutale et rude, va connaître un moment de grâce comme lorsqu'il serre fort cette petite fille brûlée qui hurle, ou à l'inverse un moment d'une douleur profonde et sourde comme lorsqu'il perd son enfant ou que sa femme meurt devant lui.

"C'est dans ses yeux. C'est là, et vous, vous ne le voyez pas. Mais maintenant, vous le voyez. Maintenant que ça fait quinze ans qu'il est trop tard. Maintenant que votre deuxième cigarette s'est consumée jusqu'au filtre et qu'il n'y a plus rien à faire, si ce n'est rentrer à la maison et laissez pénétrer lentement dans la terre cette eau dont vous avez rétabli l'écoulement." (page 75)

Il sera difficile de résumer chaque nouvelle, mais j'ai adoré certaines d'entre elles à un point inimaginable. Je ne pouvais plus lâcher le livre - plus lâcher ces hommes, ces femmes et ces enfants de l'Amérique profonde. Bruce Machart est un magicien.

"Après un dernier tir en extension, [...] le garçon se tournera vers son père, lui fera un clin d’œil, puis il ramassera sa chemise là où il l'aura jetée une heure plus tôt, à côté des vieilles poubelles en métal. Tim regardera son fils, l'homme qu'il sera alors devenu, les muscles fermes de ses épaules et ses grandes enjambées pleines d'assurance." (page 63)

De chaque nouvelle, j'ai retenu un souffle, un mot - chacune d'entre elle pourrait s'incarner dans une de ces chansons country auxquelles il était impossible d'échapper quand j'habitais dans le Tennessee. Ces chansons parlent toujours de ce cowboy sur la route dans son pick-up avec comme seul compagnon son chien et la musique. Bruce Machart nous livre un album sublime. A écouter encore et encore.  Sans modération. 


C'est là que vous commencez 
Le dernier a être resté en Arkansas 
Parce qu'il ne  peut pas ne pas se souvenir 
Quelque chose pour la table de poker 
On ne parle pas comme ça au Texas  
La seule chose agréable que j'ai entendue 
Une certaine fidélité 
Monuments 
Parmi les vivants, au milieu des arbres 
Ce qui vous fait défaut 

Gallmeister, Nature Writing, Traduction François Happe, 189 pages

Thursday, March 19, 2015

Sukkwan Island

Ce roman figurait depuis longtemps sur ma wishlist, puis quand j'ai découvert qu'il était disponible à la médiathèque, je n'ai pas hésité une seconde. De David Vann je n'avais encore rien lu, même si dans ma PàL se trouve un autre de ses romans Dernier jour sur terre que le père Noël m'a gentiment apporté l'hiver dernier. J'avais hâte de me lancer dans la lecture d'un roman "nature writing" de surcroît m'emmenant très loin dans les contrées sauvages de l'Alaska. 

L'histoire commence avec James Edward Fenn, alias Jim. Ce dernier a tout claqué du jour au lendemain après son deuxième divorce pour emmener son fils, Roy, né de sa première union, âgé de treize ans avec lui sur une île sauvage du Sud de l'Alaska pendant une année. Le père y voit là l'opportunité d'un nouveau départ et la possibilité de mieux apprendre à connaître son aîné. Sukkwan Island les attend donc.

Mais rapidement, rien ne se passe comme prévu. Le père, ancien dentiste, et accessoirement pêcheur, n'est absolument pas préparé à vivre ainsi dans la nature avec le strict minimum. Ce n'est pas un homme des bois même s'il a toujours rêvé d'en être un. Un ours a vite fait de détruire une partie de leurs affaires et manger une partie de leurs vivres, puis la pluie, le froid et la neige vont venir transformer leur aventure en une épreuve redoutable. S'ajoutent pour le fils, les défaillances du père, un homme faible, immature et dépressif.

Le rêve du retour à la nature va peu à peu se transformer en cauchemar - pour le fils d'abord, puis pour le père. La nature ne leur laisse aucun répit - Roy doit très vite aider son père à protéger leurs maigres provisions, couper du bois avant l'hiver, et fumer le poisson. Très vite, l’adolescent va réaliser que son père n'est plus que l'ombre de lui-même. Roy, de son côté a treize ans : un âge difficile, son corps mue, ses idées aussi. Lorsque Jim chute dans une clairière et que son fils doit le porter jusqu'à la cabane puis le veiller pendant des jours et des nuits, le lecteur sait que le fils a pris le dessus. Roy ne veut plus rester, il veut repartir chez sa mère, sa sœur. Vers la vie.

Mais l'histoire en décidera autrement.

Que dire ? J'ai d'abord découvert le style de David Vann - une écriture fluide, natif de l'Alaska, il vous emmène sans souci dans ce décor de carte postale, qui en une fraction de seconde peut vous tuer. Une nature magnifique mais dangereuse, impardonnable. J'ai lu quelque part que les bois représentent l'inconscient chez l'homme. Vann a une écriture limpide qui me plaît beaucoup.

Copyright Lunaceronte


Chez ces deux êtres que tout oppose : l'un enchaine les échecs et vieillit, l'autre grandit avec assurance dans une environnement stable, les rôles s'inversent. Le doute est semé. L'instabilité du père fait douter le fils. Le malheur et la solitude se répandent comme du poison dans leurs veines. On a du mal à comprendre ce qui unit ces deux êtres, si ce n'est cette relation purement filiale. Le fils qui aime son père et cherche encore son approbation accepte donc de le suivre dans ce projet fou car il sait que son père est un homme affaibli.

Vann casse violemment l'image du père :  ici point d'homme fort, protecteur, ou de pater. Le père pleure, et ne cesse de s'apitoyer sur sa vie. Il traine avec lui ses échecs et est incapable de se projeter dans l'avenir et même d'être dans le présent. Il est là physiquement mais absent mentalement. Cet homme est lâche et égoïste. Son fils n'est plus l'enfant de cinq ans admiratif mais un adolescent de treize ans qui lui renvoie sa propre image : celle d'un homme qui a tout raté. Les deux hommes sont isolés sur une île et isolés l'un de l'autre. L'histoire prend une tournure sombre.

David Vann est un enfant de la nature et sait parfaitement la décrire, quel plaisir de lire ses mots. On a froid avec les deux personnages, on a faim avec eux, on est présent à chacun de leurs pas et on est seul avec eux. J'ai vraiment aimé le style de l'auteur.

Avez-vous noté que l'auteur dédicace ce livre à son père, prénommé James Edward, comme le héros? Enfin, le mot héros est sans doute ici erroné tant le personnage de Jim est abject. Pitié, dégoût, indifférence - voilà mes sentiments à son égard. Pourtant je n'ai jamais lâché le livre.  Le lecteur sent la pression monter, la nature les opprime et il est clair que quelque chose va éclater mais j'ai été la première surprise. Je ne m'y attendais pas. Quel choc !

Je n'en dirais pas plus mais je vous invite fortement à partir passer quelques mois en Alaska. Quant à moi, je compte bien me lancer dans la lecture de ses autres romans. Ma PàL ne risque pas de diminuer ;-)

Gallmeister, Nature Writing, 192 pages

Monday, March 16, 2015

Les douze tribus d'Hattie

Difficile de passer outre ce roman, car j'en ai entendu parler un peu partout - et comme vous le savez déjà, j'aime beaucoup Gallmeister. Ce livre ne cessait de me faire de l'oeil. Je me suis donc lancée dans la découverte du premier roman d'Ayana Mathis, Les douze tribus d'Hattie
J'ignore si mon idée était la bonne, je pense que j'avais encore en tête Americanah quand j'ai entamé le roman, et ce n'était pas lui rendre de justice de chercher la comparaison. Ainsi, le début a été plutôt ardu, je l'avoue. Et puis la magie a fini par opérer. 

L'histoire démarre en  1923 - La jeune Hattie arrive avec ses soeurs et sa mère en gare de Philadelphie. Une nouvelle vie s'ouvre à elle, loin de sa Georgie rurale, du Sud profond et de la ségrégation.  Mais à peine ses 16 ans fêtés, qu'Hattie est déjà mariée à August et enceinte. Hattie accouche de jumeaux qui incarnent le début d'une longue série de grossesses: cinq fils et six filles vont naître, et une petite-fille rejoindra la famille pour former ses douze tribus.
Chacune d'entre elle va raconter à travers sa vie l'histoire d'une famille Noire américaine pauvre au 20ème Siècle. Hattie est le lien qui unit les douze tribus. Ses enfants ont grandi tous profondément marqués par le tempérament dépressif, agressif et froid de leur mère. 

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L'histoire commence avec une Hattie, jeune et jolie, décidée à prendre sa vie en main. Encore elle-même un bébé, elle accouche en 1925 de ses jumeaux, Philadelphia et Jubilee (leurs noms célèbrent cette nouvelle vie pleine d'espoir). Mais très vite la dure réalité les rattrape. August est immature et incapable de s'occuper si jeune d'une famille. Très vite l'argent vient à manquer et les hivers sont rudes. Les enfants tombent malades et leurs décès prématurés vont entrainer Hattie dans une profonde dépression qui ne la quittera plus. Avec eux est partie la promesse d'une autre vie. Hattie ne s'en remettra pas. Les années passent, ses enfants grandissent et quittent le nid familial. Hattie ne supporte plus sa vie de couple, August est un flambeur qui passe ses soirées dans les clubs et trompe sa femme. Pourtant, le couple se retrouve au lit où leur attirance sexuelle est toujours là. Les enfants continuent de naître. 

"L'odeur du sexe remplit la petite pièce. Quand Darla se leva pour tripoter le ventilateur de la fenêtre, elle ne prit pas la peine de s'envelopper dans le drap comme l'aurait fait une fille plus convenable. Elle avait des fesses rondes et hautes, ses cuisses fuselées étaient prolongées par des jambes fines. Peut-être étaient-elles même un peu trop fines, mais il y avait dans son corps une énergie qui ne laissait pas Floyd indifférent" (page 29)

Floyd, son fils ainé est un musicien de jazz qui va de ville en ville. Il aime sa mère mais a tous les défauts de son père (le jeu, les prostitués) et surtout Floyd aime tout autant les garçons. Ses errances l'emmènent dans le Sud que sa mère a fui. Ayana Mathis rappelle une période trouble de l'Amérique mais aborde aussi l'homosexualité à cette époque. Thème rarement rencontré dans mes lectures. A l'opposé de son jeune frère, Six - dont le pasteur décèle chez lui un talent de prédicateur. Hattie aime ses fils et surtout Six. Mais le jeune homme, frêle, plein de doutes est aussi faible et quitter très jeune la maison.

Il y avait un morceau de béton sur le sol, près de la tête d'Avery. Six l'avait ramassé et avait sauté sur le garçon. Il l'avait frappé avec cette pierre comme si Avery avait été toutes les choses intolérables qui eussent jamais existé. Il l'avait battu comme s'il l'avait été l'eau bouillante qui l'avait ébouillanté, comme s'il avait été chacun des regards de pitié, chacune des cruautés que Six avaient dû endurer de la part des autres garçons à l'école. Plus il frappait Avery, plus il sentait puissant. (page 94)

J'avoue que j'avais encore des difficultés à ce moment-là à rentrer dans le roman, j'ignore pourquoi, mais je ne trouvais aucun personnage attachant. J'ai besoin de cette petite étincelle, mais je n'ai pas lâché l'affaire et Hattie non plus. Loin de son époux qui la néglige, dépense ses maigres revenus dans les bars et le jeu, elle trouve l'amour dans les bras d'un autre homme. Elle ne se cache pas vraiment et garde même l'enfant né de cette liaison extra conjugale. Ruthie incarne la promesse d'une autre vie, d'une nouvelle histoire, loin de la pauvreté, loin de Philadelphie que la jeune femme déteste. Hattie part à Baltimore.  

Hattie a déjà 46 ans lorsque la vie lui offre un dernier cadeau, un dernier enfant - presque trente ans après ses jumeaux. Une fille prénommée Ella. Mais la petite est de trop. Les années ont passé et Hattie et August ont vieilli et ont toujours du mal à finir chaque mois. Hattie revit le même cauchemar : perdre un enfant. Hattie déteste cette vie - le Nord ne lui a apporté que des déceptions, et la liberté a un goût amer

Les années passent, peu à peu la société américaine change. Une bourgeoisie Noire américaine a émergé, Alice, la fille d'Hattie en est la preuve. Son époux est riche et ils ont des domestiques Noirs. Alice incarne la réussite que sa propre mère n'a jamais eu, une mère qu'elle languit mais qu'elle ne voit plus. Malgré son statut privilégié, Alice est profondément triste et dépressive. J'ai beaucoup aimé ce chapitre. J'y ai trouvé une profondeur et j'ai aimé Alice et surtout j'ai commencé à apprécier de plus en plus le personnage d'Hattie. Mon regard sur ce livre a beaucoup évolué à partir de cette histoire. Alice et Billups son jeune frère qui cachent tous deux un terrible secret de leur enfance. 

Il ferait tomber deux pilules blanches de le creux de sa main en lui disant qu'elle avait besoin de repos. La soirée se poursuivrait sans elle, tandis qu'elle serait couchée dans sa chambre, à l'étage, les couvertures pesant sur elle comme un corps, la peau de ses lèvres se fendillant dans l'air chaud et sec. (page 207)

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D'autres enfants viennent raconter Hattie :  Bell en 1975, puis Cassie et enfin Sala en 1980. Près de soixante ans après l'arrivée de la jeune femme à Philadelphie. Chaque narrateur apporte au lecteur une vision différente de l'Amérique - soixante années défilent sous nos yeux, avec comme fil conducteur un petit bout de femme du Sud. 

Hattie avait de son mieux. Les regrets et les récriminations, c'était terminé pour elle, tout cela n'avait plus aucun sens pour une femme âgée. Et il y avait eu tant de bébés : des bébés qui pleurent, des bébés qui commencent à marcher, des bébés à nourrir, des bébés à changer. Des bébés malades, des bébés brûlants de fièvre. (page 304)

Un livre touchant - une chronique familiale qui vous emporte.  Un bon moment de lecture, Alice aura été l'élément déclencheur - je n'ai plus lâché le livre après. Ce livre n'est pas uniquement un témoignage d'Outre-Atlantique, il replace le lecteur à différentes étapes de sa vie : enfant puis adulte. Et il nous montre à quel point les enfants même à l'âge adulte continuent de chercher désespérément l'amour maternel. 


Gallmeister, Americana, 311 pages