Monday, December 9, 2013

La sanction de Trevanian

J'adore offrir des livres, car je sais aussi que je vais les lire avant - oui pour m'assurer qu'ils sont biens, évidemment. Je cherchais donc des livres pour mon beau-père, nous partageons un goût commun pour les polars mais aussi les romans historiques. Lorsque j'ai découvert la collection noire de Gallmeister, j'ai été attirée par les romans de Trevanian, mettant en scène une sorte de James Bond dandy, Jonathan Hemlock. Professeur d'histoire de l'art et alpiniste renommé, ce trentenaire est aussi un tueur qui travaille pour une organisation américaine secrète (CII) qui inflige des "sanctions" en assassinant d'autres tueurs.

Ce dandy, collectionneur de femmes et d'oeuvres d'art, vit dans une église aménagée en loft en 1969 et accepte de travailler pour le compte du CII uniquement lorsqu'une oeuvre d'art lui plait et qu'il a besoin d'argent. Homme mystérieux, il n'est fidèle qu'à lui-même et à quelques principes comme la loyauté. Dénué d'empathie, il accomplit ses assassinats sans ressentir le moindre remord, il songe à la retraite lorsqu'il est entrainé dans une dernière mission dangereuse. Il doit enfiler sa tenue d'alpiniste et tenter l'ascension de l'Eiger dans les Alpes, tout en essayant de reconnaître parmi ses compagnons de cordée un autre assassin.

J'avoue avoir été surprise par ce roman - le lecteur ne peut s'empêcher de penser à James Bond et à Sherlock Holmes lors de la lecture du premier chapitre, un héros jeune, talentueux, beau, intelligent et riche et espion de surcroît. Mais très vite, l'auteur en fait une caricature destinée à faire une critique implacable de son pays, du gouvernement américain qui ne respecte aucune loi, et en filigrane une attaque aiguisée de la CIA et de ses interventions illégales à travers le monde.

Le personnage est loin d'être attachant, il est calculateur et collectionne les femmes comme des objets, et puis il tue sans état d'âme. J'ai même, je l'avoue, eu du mal au début. J'ai cru abandonner ma lecture lors des quarante premières pages, puis le héros part s'entrainer pour l'escalade du mont Eiger et le suspense redonne du rythme au livre. C'est un roman atypique, difficile de le classer, l'auteur a signé une parodie du roman d'espionnage, si populaire à l'époque avec une touche de western (à la Sergio Leone) et de polar lorsqu'ils ne sont plus que quatre à tenter cette ascension du mont Eiger, resté invaincu.

Ce qui m'a attiré dans ce roman, c'est également la personnalité de l'auteur-même, Trevanian. Ce romancier est devenu célèbre lorsque The Eiger Sanction, le titre original du roman, a été publié en 1972. Ce livre est la première aventure de Hemlock qui sera vendue à travers le monde à plus de cinq millions d'exemplaires et traduit en plus de quinze langues. De nombreuses rumeurs vont courir sur la véritable identité du romancier, on aura longtemps cru qu'il s'agissait de Robert Ludlum, Tom Clancy ou Tom Wolfe.
Coucher de soleil sur l'Eiger

Le romancier américain ne cessera de publier sous divers pseudonymes, Trevanian étant le plus célèbre. Le mystère sera levé dans les années 80 lorsque l'auteur aura choisi de "tuer Trevanian". L'auteur expliquait dans une de ses interviews qu'il prenait la plume sous un nom différent, et qu'il créait par là-même toute une personnalité pour ce nouvel auteur de polars, western ou autre genre.

Déçu par l'adaptation cinématographique du film (Clint Eastwood sera Hemlock au cinéma en 1975), il l'était également de la politique de son pays. Il quitte les USA pour s'installer en France, dans le pays basque et meurt en 2005. Il s'appelait Rodney William Whitaker.

Il a publié une suite aux aventures de Jonathan Hemlock : The Loo sanction (en français : l'Expert), il a également publié The Main et surtout Shibumi qui lui a valu des critiques dithyrambiques.  Je ne vais pas tarder à les acheter, croyez-moi ! Ils sont tous disponibles chez Gallmeister.

Dois-je vous rappeler que Gallmeister les a publiés de nouveau
cette année à 10 petits euros ? (en 2007 l'éditeur les avait publiés en format broché). Donc n'hésitez pas à découvrir un auteur qui a été classé parmi les plus grands romanciers américains.


PS : je ne suis pas payée par Gallmeister, dont je vous ai déjà parlé avec leur collection Totem - il se trouve que je suis tombée amoureuse de cette maison d'édition qui allie petits prix, belles couvertures et excellent choix de livres.

Wednesday, December 4, 2013

Contrée indienne de Dorothy M.Johnson

La maison d'édition Gallmeister a lancé une collection intitulée "TOTEM, une autre littérature américaine" en publiant des auteurs méconnus du grand public français mais symboliques de l'histoire américaine.

Ici il s'agit de Contrée indienne, un recueil de nouvelles signé Dorothy M.Johnson en 1953, grande dame de la littérature américaine comme le dit si bien la maison d'édition. Je vous avais parlé de plusieurs achats, celui-ci en faisait partie. Fait du hasard, une virée dans une boutique de livres d'occasion, la couverture d'un livre m'attire. J'ai un doute - l'ai-je déjà ? Mais son prix modique, et ce visage d'indien m'attirent. Me voilà avec un autre exemplaire de Contrée indienne, publié par J.C Lattès en 1986.

La différence entre les deux recueils ? La présence de deux nouvelles inédites, "Cicatrices d'honneur" et "l'incroyant" dans l'édition de la maison Gallmeister. J'ai donc lu les deux livres, en commençant par le plus ancien puis en terminant avec les deux nouvelles inédites.



Le premier recueil de J.C Lattès contient 9 nouvelles identiques à celles de Gallmeister :
- Flamme sur la plaine
- Prairie Kid
- L'exil d'un guerrier
- Retour au fort
- L'homme qui tua Liberty Valance
- La tunique de guerre
- Après la plaine
- Et toujours se moquer du danger
- Un homme nommé cheval


et Une sœur disparue 
Cette nouvelle reçut en 1957 le Spur Award - publiée dans le recueil "The hanging tree" (La colline des potences), elle raconte la tentative de réintégration d'une femme colon, Cynthia Ann Parker qui avait été kidnappée enfant par les Comanches.



Quanah Parker, le dernier Chef Commanche

En lisant les titres, vous aurez peut-être pensé au cinéma et vous avez raison : plusieurs de ses nouvelles furent adaptées avec succès au cinéma : L'homme qui tua Liberty Valance de John Ford avec John Wayne et James Stewart, Un homme nommé Cheval et La colline des potences avec Gary Cooper.

Je ne suis peut-être pas tout à fait objective compte tenu de mon amour pour la culture indienne depuis que je suis enfant, et ayant eu la chance de côtoyer quelque temps ( lorsque j'habitais au Montana) ces tribus, je suis encore plus passionnée.  Je possède déjà de nombreux livres les concernant, et plus particulièrement sur leurs croyances. Toutes passionnantes. J'aimerais beaucoup vous faire partager cette passion.

Je ne vais pas rentrer dans le détail de chaque nouvelle. Sachez juste que le lecteur est plongé dans l'époque mythique de l'Ouest, encore sauvage où les indiens (Cheyennes ou Comanches) sont parfois les héros de ces nouvelles, mais jamais les "méchants grimés des western". La romancière a su très bien restituer cette époque, sa dangerosité et le courage de ces deux peuples, ces colons qui viennent plein d'espoir et ces indiens qui voient leur nation disparaitre.

J'ai particulièrement aimé les nouvelles qui décrivent avec précision les moeurs de ces tribus indiennes, leurs us et coûtumes, leurs croyances - elle ne cherche jamais à diaboliser ou au contraire à magnifier ces peuples. Elle décrit leurs us qui peuvent choquer parfois (lorsque les jeunes se mutilent ou le rituel des scalps, etc.). 






Elle décrit aussi habilement les enlèvements communs à cette époque, femmes, enfants kidnappés par les indiens, parfois échangés contre des chevaux ou des armes. Leur retour difficile à la vie occidentale. La vie difficile de ces tribus en voie de disparition, le dur labeur des femmes. La nouvelle Une sœur disparue est particulièrement touchante, j'ai aussi beaucoup aimé Et toujours se moquer du danger ou Un homme nommé cheval. La nouvelle est bien meilleure que l'adaptation cinématographique.

Cicatrices d'honneur est une nouvelle située plus récemment, lors de la seconde guerre mondiale lorsque de jeunes indiens partent au combat et désirent renouer avec leurs croyances perdues et les rites ancestraux (le passage de l'enfant à l'homme, l'auto-mutilation, etc.).

Jamais Dorothy M.Johnson ne juge-t-elle ses personnages, ni leurs pensées, ni leurs actions - qu'ils soient blancs ou indiens, elle vous relate juste très précisément cette époque. Et moi qui ai grandi en regardant les western devant mon petit écran, j'ai adoré lire ces nouvelles. Comme Kevin Costner, dans Danse avec les loups - elle dresse un portrait très fidèle de la culture indienne. Ce soin apporté à la réalité fera d'elle un membre honoraire de la tribu Blackfoot en 1959.

La bonne nouvelle ? Gallmeister va publier l'an prochain un autre recueil La colline des potences.