J'ai découvert la romancière américaine à travers son dernier roman, The Goldfinch (Le chardonneret) - j'avais appris à cette époque qu'elle écrivait peu, mais que Le Maître des Illusions (The
secret history) l'avait révélé au grand public. Je l'avais par hasard
car il était sorti en poche chez Pocket. J'ai donc entamé la lecture
(près de 700 pages) en espérant retrouver le style si personnel de Donna Tartt.
Malheureusement
pour lui, j'ai commencé à le lire lors de mon retour au travail après
mon espade américaine, il y a presque un mois et demi et très vite j'ai
peiné à suivre les aventures du héros. J'avoue qu'en lisant la quatrième
de couverture, j'ai eu un mauvais pressentiment. J'ai finalement réussi
à le finir, en l'espace d'un week-end et en écrivant ces mots, je ne
peux faire que le même constat que pour The Goldfinch : si Donna Tartt possède un style décidément unique, une culture gigantesque, n'en reste pas moins, que je trouve à ce roman les mêmes défauts que j'ai trouvé au dernier.
Richard, jeune étudiant californien décroche une bourse pour une université huppée du Vermont, la très secrète Hampden.
Richard intègre ce lieu très privilégié, fréquenté par la bourgeoisie
grâce à ses connaissances en grec ancien. Il est alors introduit dans
l'étrange classe de Monsieur Julian - professeur dévoué à l'étude des
Anciens (grecs et romains), il n'enseigne qu'à une bouchée d'étudiants,
Henry, son condisciple, Francis, les jumeaux Charles et Camilla et enfin
Bunny, un irlandais de Boston assez dissipé. Avec le temps, Richard
intègre ce cercle secret et va plonger avec eux dans l'indicible
horreur.
Contrairement au Chardonneret,
où j'avais trouvé passionnant l'enfance du héros pour ensuite trouver
celui-ci passablement ennuyeux voir énervant, ici je n'ai pas trouvé le
début de l'histoire intéressante. Pourtant, l'histoire me parle, ayant
eu aussi l'opportunité d'intégrer une minuscule université, nichée dans
les Appalaches, fréquentée essentiellement par la haute bourgeoisie du
Sud, j'ai comme, le jeune Richard, plongé dans cet antre de culture,
pour très vite, en découvrir l'autre facette. Celle des soirées de
beuverie, où ces jeunes, voués à de grandes carrières mais déjà choisies par leurs parents, viennent noyer leur ennui et leur déprime.
Je
ne m'attendais pas à cela, mais pour moi ce roman souffre de certains
défauts qui ont contribué à ce que je repose ce livre, presque décidée à
ne jamais reprendre la lecture. Fort heureusement, je ne me suis pas écoutée.
- si on aime le côté foisonnant du roman,
l'attention portée à chaque détail, on finit aussi par parfois étouffer
dans tant de descriptions, des pages entières, des références aux
Anciens, du détail apportée à chaque geste, mot de chaque personnage - qui au final, m'ont poussé à lire à la va vite certains paragraphes (très peu cependant).
- le personnage principal, Richard, narrateur de l'histoire, est ennuyeux - comme le héros du Chardonneret à l'âge adulte, il est terriblement passif - témoin d'une histoire, la sienne,
qui lui échappe, il ne cesse de se plaindre ou noyer ses émois dans
l'alcool. Je ne me suis pas du tout attaché à lui, j'étais plus
attendrie par le personnage de Camilla (mais ça n'a pas duré). La
romancière semble toujours plus attachée à rendre les autres personnages
beaucoup plus passionnant que ses héros. Quel dommage. Ce choix créé toujours une distance entre la lectrice que je suis et le personnage principal, résultat : je m'ennuie.
- l'alcool et les drogues sont si prégnantes dans ce roman qu'elles finissent par lasser,
Charles, Francis, Henry, tous boivent plus que de raison, tout en
avalant quantité de médicaments, volés ci et là. Si on peut comprendre
leur désir de fuir la réalité, l’obsession de la romancière pour décrire
ces phases de beuverie ont fini par m'ennuyer au plus haut point, plus
de trois cent pages ne servent qu'à décrire ces réveils difficiles, ces
gueules de bois, ces overdoses ... Les personnages tombent les uns après
les autres, et finalement, moi, en tant que lectrice, je me sens totalement abandonnée par la romancière.
Après
avoir réussi à lire environ 250 pages, j'ai fait une pause de près de
trois semaines, j'ai repris ma lecture et finalement, le livre II aura
relancé ma curiosité (le roman est composé de deux parties), parce que
l'irréparable a été commis et que j'avais envie de connaître la fin,
mais j'avoue que j'ai fini ma lecture avec la télévision en fond sonore,
car suivre la lente désintégration des personnages n'a rien de très
joyeux, de plus, si l'auteur tente de relancer un certain suspense - on est très loin du thriller. J'ai eu l'impression qu'elle-même ignorait quelle fin elle réservait à chaque personnage.
J'ai lu les dernières soixante pages ce matin - et la fin m'a libérée d'un poids : j'ai enfin fini ce livre !
Dyonisos
(est) le Maître des Illusions, capable de faire pousser une vigne sur
la planche d'un navire, et en général de faire voir à ses fidèles le
monde tel qu'il n'est pas.
E.R Dodds - The Greeks and the Irrrational
Donna
Tartt est vraiment à part, si j'aime beaucoup son style narratif, et si
on peut être épatée par autant de culture, on finit aussi, comme
lecteur, par se sentir peu à peu exclu - si je l'ai trouvée beaucoup
plus pédagogue dans son dernier roman, ici on comprend très vite que les
allégories ou allusions aux philosophes grecs ou empereurs romains nous
échappent car nous n'appartiendrons jamais à ce cercle.
Nous
sommes, comme le personnage de Richard, d'une famille très simple de
Californie aspirant à intégrer cette élite, et souffrant des remarques
acerbes de ses camarades sur sa classe sociale.
La
romancière intellectualise trop ces personnages créant ici une
distanciation entre le lecteur et les héros. En est-elle consciente ? Ou
est-ce ma simple imagination ?
Et
si j'avais aimé les premières années du jeune Théo, ici aucun
personnage n'aura provoqué chez moi d'émotion, de plus, je suis déçue du
traitement apporté à la fin du roman - et l'absence totale de remords
des personnages. Leur seule inquiétude étant leur propre sécurité.
Je n'y ai pas trouvé de perversité comme
le dit Françoise Giroud, mais plus une jeunesse dorée, totalement
désenchantée et terriblement déprimée, qui, sous couvert, de sa supposée
supériorité de classe, s'ennuie désespérément, se noie dans l'alcool et
recherche des sensations fortes, et finit par commettre l'irréparable.
J'ignore si la romancière souhaite, à travers ce roman, critiquer l'éducation de cette jeunesse bourgeoise américaine, elle l'évoque légèrement dans le cas de la famille excentrique du personnage de Bunny, mais pour moi, on en reste loin.
Vous l'aurez compris, je n'ai pas accroché à ce roman, j'ai largement préféré le Chardonneret.
Mais sachez que je lirai sûrement son
prochain roman, car si mon billet est assez négatif, il en ressort
néanmoins que j'aime beaucoup Donna Tartt, son style et qu'elle exerce
sur moi une sorte d'attirance que je ne peux expliquer ! Aussi, je ne peux que vous encourager à découvrir cette grande romancière.